ANALYSES

Les recherches sur Google seront filtrées en Chine

Tribune
2 juillet 2010
Et comme la demande de Google est parvenue ‘tardivement’, Pékin se laisse toujours la latitude de sanctionner Google sous un prétexte administratif. La principale communauté d’internautes au monde qui n’a plus d’accès à Twitter, à Facebook ou à YouTube (les autorités chinoises ont tiré les conséquences du précédent iranien) pourrait être réduite à faire ses recherches sur le moteur national, Baïdu (déjà bien plus utilisé là-bas que Google).

Sinon, un internaute parlant chinois et faisant depuis la Chine continentale une recherche par mots clés  avec le plus grand moteur de recherche de la planète passera forcément par un système de filtres. Il l’empêchera par exemple d’aller sur les sites de la secte Falun Gong ou celui d’opposants à la présence chinoise au Tibet. Ce qui équivaut à un retour à la situation d’il y a quatre ans. À l’époque, l’opinion avait découvert que les moteurs de recherche comme Google (mais aussi Yahoo ou MSN) étaient censurés en Chine. Pour reprendre un exemple célèbre, c’était pratiquement le seul pays où l’on ne pouvait pas trouver de photographies des événements de la place Tien An Men sur la Toile.

Les leçons de l’affrontement Google/Chine, qui a commencé cette année quand Google a menacé de se retirer d’un pays qui espionnait les comptes mails des pro-tibétains, se confirment :
– par une savante combinaison de censure, de surveillance des points d’accès (pas d’anonymat dans les cybercafés), de gestion des fournisseurs d’accès, d’obligations légales (par exemple celles qui touchent à l’identité des responsables de sites) et de négociations avec les Occidentaux alléchés par le plus grand marché numérique du monde, on peut faire ce que les prohètes d’Internet disaient impossible : contrôler l’information numérique à laquelle ont accès plus d’un milliard de gens, les isoler numériquement du reste de la planète et pourtant développer une économie numérique de pointe.
– pour le dire autrement : le politique n’est pas si désarmé face au technologique.
– la stratégie de Google (avec son slogan moraliste ‘Be no evil‘) même soutenu par la politique de diplomatie publique d’Hillary Clinton (prête à soutenir toutes les dissidences sur Internet) se heurte au mur de la puissance et de l’autorité. L’utopie d’une multinationale faisant céder une grande puissance par la menace de se retirer et de la priver de sa technologie s’éloigne autant que celle d’une Toile par nature rebelle à toute censure.




Pour aller plus loin : DOSSIER IRIS – La Chine et Google, décryptage d’un conflit