ANALYSES

La manœuvre économique italienne face à la crise

Tribune
16 juin 2010
Par Giorgia Castagnoli, journaliste
Après la crise économique et financière de la Grèce, les autres pays de l’Union Européenne sont en train de reconsidérer leurs lois de finances et de budget, appelant les citoyens à « se serrer la ceinture » et à « faire des sacrifices » . Même le Premier ministre britannique, David Cameron, n’a pas hésité à parler de « souffrances » , cherchant, comme tous les autres leaders européens, à tout faire pour éviter que les agences de notation abaissent la note britannique.

Quelle est donc la stratégie retenue par l’Italie pour faire face à la crise?
L’Etat doit récupérer 24,9 milliards d’euros. Le décret de loi « concernant des mesures urgentes en matière de stabilisation financière et de compétitivité économique » prévoit une série de mesures de précaution qui visent à réduire les dépenses publiques, notamment en effectuant des coupes dans l’administration. En effet, Berlusconi, ne voulant pas augmenter les taxes pour éviter l’hostilité de l’opinion publique – et surtout celle de ses électeurs -, s’attaque aux service s: instruction, santé, justice, culture etc. « En deux ans il faut que le déficit du Pays soit inférieur à 3%. Il est donc nécessaire de réduire la dépense publique et de faire des réformes structurelles » , a indiqué le Cavaliere.

Les différentes branches du secteur public semblent donc être les plus touchées par cette manœuvre économique, qui se caractérise par un refus d’effectuer les augmentations salariales prévues par les contrats et donc de maintenir les salaires actuels jusqu’en 2013 (art. 9). Pour tous les enseignants d’écoles primaires et secondaires, cette modification sera très pénible (1 professeur sur 4 gagnera chaque année 3000 euros de moins que prévu). De plus, la loi bloque le renouvellement des contractuels pour la période 2010-2012. Le secteur sanitaire se voit aussi fortement pénalisé avec une réduction de financement pour le Service Sanitaire National de 418 millions en 2011 et de 1,1 milliard en 2012.

Coté Justice, la mesure la plus significative est destinée aux magistrats, qui voient leur salaire baisser de 10% par l’État. « Mesure injustement punitive » , a déclaré le président de l’association Nationale des Magistrats Luca Palmara, en appelant à une série de grèves en juillet. « Il ne s’agit que d’une grève politique » , a répliqué le ministre de la Justice Angelino Alfano, qui, comme son chef Berlusconi, considère les magistrats comme des « communistes ».

Au sein de la sphère politique, est prévue une réduction de 10% des fonds alloués aux « ministres sans portefeuille », (correspond à un sécretaire d’Etat français), comme par exemple celui de l’Egalité des chances et celui des Politiques européennes une réduction de subventions accordées aux partis politiques.

Une série de contrôles plus approfondis est également à l’ordre du jour pour enquêter sur les allocations d’invalidité (art. 10), qui ont énormément augmenté au cours des dernières années, et sur les impôts déclarés (art. 18), pour éviter la fraude fiscale (même si ce délit est en vérité puni trop légèrement en Italie, par rapport à la majorité des autres pays). Une norme sur la traçabilité de l’argent, mise en place déjà par le ministre de centre-gauche Visco, a été finalement réintroduite : l’article 20 de cet décret de loi baisse de 12.500 à 5000 euros le plafond d’argent en espèce pouvant déclencher une enquête.

Gianfranco Fini, président de la chambre des députés, et en quelque sorte chef d’un « courant autonome » au sein du PDL, a posé des questions délicates pour la Ligue, en particulier sur le fédéralisme: « Si nous sommes dans une situation financière exigeant la rigueur absolue et une maîtrise des dépenses, le lancement du fédéralisme fiscal est-il compatible avec l’équilibre des comptes ? »
En effet, le problème du fédéralisme fiscal n’est pas traité de manière structurelle ; la manœuvre prévoit juste des réductions d’impôts pour le Sud d’Italie, selon l’art. 40. Mais la Ligue du Nord a eu malgré tout une petit victoire en ne voyant pas disparaître les petites provinces de moins de 220.000 habitants, comme Bergamo par exemple, auxquelles elle tient tout particulièrement. Pourtant, l’abolition de 110 petites provinces pourrait faire économiser à l’État 13,5 milliards d’euros par an.

Approuvée par le gouverneur de la Banque d’Italie, Mario Draghi, et signée par Silvio Berlusconi, cette réforme est jugée « contraire à la reprise économique, inconsistante coté réformes et aléatoire du point de vue des perspectives de contrôle des finances publiques » par Pierluigi Bersani, leader du PD (centre-gauche). Pour Antonio Di Pietro, leader de l’Italie Des Valeurs (centre), elle est « inutile, et en même temps insuffisante pour relancer l’ économie ».

Du G20, en Corée, le ministre de l’Economie, Giulio Tremonti, a proposé de modifier l’art. 41 de la Constitution pour faciliter, notamment pour les jeunes, l’accès à l’entreprise. Son idée est de libéraliser la création d’entreprises avec une suspension de 2 ou 3 ans des autorisations, actuellement difficiles et longues à obtenir. De même, l’Union européenne demande un effort supplémentaire par une augmentation de l’âge de départ à la retraite à 65 ans pour les femmes employées dans le secteur publique, avec une échéance fixée à 2012.

Dans un moment difficile pour l’Italie, comme pour ses voisins européens, l’unique organisation qui, profitant de la crise, se porte très bien, est malheureusement la mafia. Le rapport Ecomafia 2010 a estimé à 20,5 milliards d’euros le chiffre d’affaires en 2009 de la mafia, dont les activités touchent aussi bien la gestion des déchets, le racket des animaux, que les escroqueries immobilières. Cette économie souterraine va compliquer la tache du gouvernement, déjà délicate à mettre en place.


*giorgiacastagnoli@gmail.com



Sur la même thématique