CHILI : Un nouveau cycle politique
Tribune
19 janvier 2010
Cette victoire de la droite va-t-elle provoquer des changements majeurs au Chili et en Amérique latine ? La droite, maintenant aux affaires politiques, et déjà détentrice des pouvoirs économiques et médiatiques est désormais aux commandes pour longtemps. D’autant plus qu’au centre gauche, l’heure est déjà aux règlements de compte, exercice habituel d’après défaite. La gestion économique du pays ne va probablement pas être changée dans ses fondamentaux. Le Chili pratique depuis plus de vingt ans un « régionalisme commercial ouvert », privilégiant la concurrence internationale sur toute forme d’intégration sud-américaine. Et comme le président élu a signalé qu’il ne toucherait pas aux programmes sociaux de ses prédécesseurs, là encore, si cet engagement est respecté, la différence, si différence il y a, se lira dans le détail.
La rupture éventuelle sera plus sensible à l’international. La perception que le monde extérieur se fait du Chili, est décalée, émotionnelle et solidaire, ancrée dans un passé, qui est paradoxalement de moins en moins celui des Chiliens d’aujourd’hui. Cette alternance va probablement accentuer le sentiment d’échec et le deuil d’une époque perdue d’humanitaires, de progressistes en quête d’eldorados idéologiques perdus en Europe ou en Amérique du Nord. Mais les rapports de force en Amérique latine ne vont pas être profondément modifiés. Le Chili a maintenu de 1989 à aujourd’hui de subtils équilibres diplomatiques entre Brésil, Mexique et Argentine. Il a privilégié les alliances avec les gouvernements modérés, qu’ils soient communément considérés conservateurs ou de centre gauche. Ces options sont aussi celles du chef de l’Etat qui a été élu, sous réserve que ses actes soient demain en accord avec les propos de campagne. Il n’aura pas, dit-on, de bonnes relations avec le Venezuela. Mais ici encore la continuité est d’évidence. Le Chili de Michelle Bachelet avait des rapports souvent polémiques avec Hugo Chavez. La différence et peut-être la rupture sera ailleurs, dans le positionnement à l’égard des Etats-Unis et des structures de coopération régionale inventées par le Brésil ces dernières années. Michelle Bachelet avait joué à fond la carte de l’Union sud-américaine (UNASUL/UNASUR), initiative brésilienne de 2008. Le Chili soutient aussi la MINUSTAH, Mission des nations unies en Haïti, opération de paix sous direction brésilienne. Or sur ces points là, Sebastian Piñera est resté silencieux. On peut légitimement penser que l’alternance du 17 janvier 2010 est de nature à rendre la main à la diplomatie des Etats-Unis, contenue ces dernières années par les initiatives régionales spectaculaires et médiatiques du Venezuela, institutionnelles et collectives du Brésil.