ANALYSES

Les nouvelles relations sino-américaines

Tribune
19 novembre 2009
L’entourage de Barack Obama répond à ces critiques en disant que ce n’est pas en trois jours que l’on peut changer la Chine et que la méthode consistant à faire des reproches publics à un pays aussi important ne peut porter de fruits. En fait, la Chine n’a jamais cédé aux injonctions des présidents américains depuis qu’ils ont repris leurs relations sous Nixon au début des années 1970 et ce n’est pas maintenant, au moment où la puissance du pays est réaffirmée, qu’ils vont commencer à le faire. Barack Obama ne souhaite pas une confrontation avec la Chine. Il a raison, cela ne lui apporterait rien.

Est-ce l’émergence d’un G2, comme de nombreux commentateurs l’ont fait remarquer ? D’un nouveau condominium à l’image de ce que fut la relation soviéto-américaine ? La comparaison consistant à appliquer aux relations entre Pékin et Washington la logique qui a régi celles de la Guerre froide entre les Etats-Unis et l’Union soviétique ne fonctionne pas. La compétition que se livrent la Chine et les Etats-Unis est d’une toute autre nature, les Chinois ne voulant pas remplacer le modèle américain par un autre. Ils ont adopté le modèle de l’économie de marché et ne veulent pas le renverser, mais simplement prendre la tête de la course. Ceux qui s’alarment d’une rivalité militaire que la Chine pourrait opposer aux Etats-Unis se trompent : le budget militaire chinois représente grosso modo 1/10 du budget militaire américain ; alors que les Etats-Unis alignent douze porte-avions à propulsion nucléaire, la Chine n’a pas encore construit son premier.

Les Chinois savent qu’ils n’ont pas intérêt à se lancer dans une confrontation avec les Etats-Unis, ils la perdraient. Par ailleurs, le temps joue pour eux. Ils veulent proposer un autre modèle de coopération avec les pays, basé sur le développement des relations commerciales sans ingérence politique. Cela pouvait très bien fonctionner par opposition avec la politique de George Bush. Avec Barack Obama, ce contre-modèle chinois est moins attractif.

Il est vrai que depuis qu’elle a renoncé au communisme, la Chine se sert du nationalisme comme ciment permettant de maintenir la cohésion d’un pays aussi vaste. Entre l’Union soviétique et les Etats-Unis était à l’œuvre la doctrine de la « destruction mutuelle assurée » (Mutual Assured Destruction ou MAD, qui veut dire « fou » en anglais) du fait de l’existence, dans les arsenaux de chacun, de milliers d’armes atomiques. C’est une autre forme de destruction mutuelle assurée qui unit aujourd’hui Pékin à Washington : la Chine a un besoin vital du marché américain pour exporter sa production et assurer son développement économique, gage de la paix sociale à l’intérieur. Et les Américains ont besoin de la Chine pour financer leur dette et convertir en bons du Trésor les cent milliards de dollars de déficit commercial annuel.

Paradoxalement, alors que George Bush avait dégradé les relations des Etats-Unis avec à peu près tous les Etats du monde, il avait su conserver un rapport acceptable avec Pékin, prenant même le parti des dirigeants contre Taiwan. On craignait que Barack Obama n’insiste trop sur les droits de l’homme ou sur la question du Tibet. Obama applique en fait à la Chine le même traitement qu’avec l’ensemble des autres pays, qu’il s’agisse de l’Europe, du Japon, de l’Amérique latine ou du monde arabe : établir un dialogue dans le respect des identités et ne pas avoir l’illusion que c’est par la contrainte que l’on peut obtenir le changement – mais bien plus par l’exemple.
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