ANALYSES

Regards croisés sur l’Europe

Tribune
27 juillet 2009
Autour de sujets allant de la sécuritisation à l’immigration en passant par la promotion des droits de l’homme, les représentants des Etats membres présentèrent la politique de leur pays respectif en la matière et la vision européenne de ceux-ci, l’exercice final étant de produire un rapport sur la culture de sécurité de l’Union européenne.

Au fil des conférences et des débats, chacun réalisa combien il ignorait assez largement la culture et la politique de sécurité de son voisin, proche ou lointain. Les ressortissants des pays d’Europe de l’Est et du Nord moquent un peu les obsessions sécuritaires telles que le terrorisme. L’ombre du géant russe plane encore sur certains. Les représentants des pays fondateurs de l’Union européenne, réunis dans un groupe de travail, n’en revenaient pas eux-mêmes : comment leurs grands-parents avaient-ils trouvé assez de points communs pour se lancer dans cette aventure ? Aujourd’hui, l’enthousiasme ou l’envie d’Europe semble faire défaut. En effet, l’opinion publique européenne boude les isoloirs et craint les débats. L’Europe n’attirerait plus. Peut-être que la démobilisation n’est pas un signe d’essoufflement mais une transition. En effet, notre génération prend l’Europe et la paix qui règne sur le continent pour argent comptant. Du coup, nous nous intéressons assez peu à l’élargissement par exemple alors que ce devrait être notre cheval de bataille. L’Europe n’est pas un projet prédéfini, construit, sur lequel nous ne pourrions pas avoir d’emprise. Regardons par exemple, le nombre de pays, des Balkans à la Turquie, qui frappent aux portes de l’Union. En intégrant la Turquie, l’Europe se rapprocherait du monde musulman et pourrait peut-être davantage peser sur le processus de paix entamé au Proche-Orient.

A l’heure où les pays occidentaux peinent à redéfinir l’OTAN, les pays membres de l’Union européenne ont réussi le double pari de construire une communauté de sécurité et de projeter ce modèle à leurs frontières et au-delà. L’intérêt stratégique de l’Union européenne est à la paix, son outil est l’échange dans sa définition la plus large (culturelle, sociale, économique, etc.) Reste que l’Europe aujourd’hui semble avoir peur de déployer ses ailes – d’intégrer la Turquie – et préférer se replier sur le contrôle des menaces transnationales. Ce repli est d’autant plus risqué que les outils employés ne sont pas les bons. L’Europe offre de plus en plus des solutions sécuritaires à des problèmes économiques et sociaux (migration). Le vrai challenge de l’Europe aujourd’hui est de ne pas confondre communauté de sécurité et paradis sécuritaire. Les principes qui sous-tendent la construction européenne doivent être plus que des discours ou des alinéas dans des stratégies. Droits de l’homme et démocratie ne peuvent être banalisés ou être appliqués selon des intérêts de court-terme (tel l’approvisionnement énergétique).