ANALYSES

Chine : des émeutes organisées dans l’optique du G8

Tribune
10 juillet 2009
Les Ouïghours n’ont jamais été passifs face à cette domination. Lors d’un voyage à Urumqi il y a plusieurs années, j’avais remarqué que les Hans, encore minoritaires à l’époque, n’osaient pas sortir de leur logement. Dans le bus, je me rappelle que les Ouïghours s’étalaient sur les banquettes et reléguaient les Hans dans le couloir. En riposte, le régime a installé de nombreuses brimades symboliques, comme par exemple la mise en place de l’heure de Pékin alors qu’il y a quatre heures de décalage ou l’apprentissage obligatoire du chinois à l’école à la place de la langue des Ouïghours. La pratique de l’islam n’est pas non plus vraiment respectée. Le semblant d’autonomie ne compense pas grand-chose. Tout ceci explique le ressentiment.



Et comment les Ouïghours sont-ils perçus par le reste de la population chinoise ?

Très mal, dans toutes les régions du pays. Les autres ethnies les assimilent
généralement à la criminalité. Et comme eux-mêmes ne se mélangent pas et préfèrent le communautarisme, cela n’arrange rien. C’est une minorité visible, que l’on pourrait comparer aux gens du voyage en Europe.



Ces émeutes du Xinjiang étaient-elles pour autant prévisibles ?

Pour des tas de raisons, la ‘ cocotte-minute ‘ chauffe depuis au moins 2002. Les attentats à l’explosif sont assez réguliers, le ressentiment envers les Hans s’accentue d’année en année et les meurtres de deux ouvriers ouïghours commis fin juin dans une usine de la région de Canton n’ont rien arrangé.



Mais j’ai néanmoins l’impression que les manifestations ont été organisées dans l’optique du G8, auquel devait être associé le président chinois Hu Jintao. L’an passé, les Ouïghours voulaient déjà se faire voir avant les Jeux olympiques. Mais le dalaï lama leur avait volé la vedette. Or ils viennent de s’apercevoir de la fermeté de la communauté internationale envers l’Iran. Sachant que le régime chinois choisirait la répression, ils espèrent la même réponse des Occidentaux.



Que représente aujourd’hui le Xinjiang pour Pékin ?

Il est capital pour plusieurs raisons. Tout d’abord, économiques puisque c’est le champ de pétrole de la Chine. Ensuite, stratégiques puisqu’il constitue un bouclier face aux autres pays de la région, notamment le Kazakhstan. Enfin, diplomatiques puisque Pékin a des revendications territoriales sur d’autres secteurs de l’Asie centrale appartenant à ses voisins. Pour le régime, l’Asie centrale et le Xinjiang, ce sont la Chine, comme le sont le Tibet ou Taïwan. C’est un point non-
négociable.



Pour calmer la situation, Pékin pourrait-il desserrer l’étau en laissant plus d’autonomie ?

Le régime tiendra peut-être quelques discours en ce sens pour satisfaire les diplomates du Quai d’Orsay et des pays européens. En fait, sa vraie peur est ailleurs : il veut à tout prix éviter une condamnation internationale comme l’Iran vient d’en être l’objet. Comme elle a bâti son économie sur les exportations, un boycott des produits chinois pour des raisons humanitaires seraient catastrophiques. L’exposition universelle de Shangaï se profile également à l’horizon pour 2010.



Le retour précipité de Hu Jintao est l’illustration de cette crainte. Il veut imposer sa propre ligne, plus présentable, en évitant un bain de sang comme à Tiananmen il y a vingt ans et en donnant l’impression de justice, comme par exemple la fin de la répression policière contre les Ouïghours applaudie par les Hans. Or il y a débat sur la conduite à tenir parmi les hautes instances du parti communiste. Certains conservateurs n’auraient aucun état d’âme à massacrer des Ouïghours.



Certains Ouïghours sont tombés dans le terrorisme. Est-ce une tendance qui pourrait s’accroître ou Pékin exagère-t-il la menace pour justifier la répression ?

Il s’agit en effet d’une infime minorité de personnes, qui naviguent dans les nébuleuses nationalistes, indépendantistes et islamistes, plus ou moins liées à Al-Qaïda pour ces dernières.



D’autres rebellions de minorités sont-elles envisageables ?

Après les Tibétains et les Ouïghours, où les revendications communautaires sont similaires, seule la minorité mongole de Mongolie intérieure est susceptible de se lever contre Pékin. C’est aussi une crainte pour le régime puisqu’il ne sait pas comment gérer les manifestations de masse, sauf tirer dans la foule. Les autres ethnies ont quant à elles été trop mélangées ou trop assistées pour contester l’ordre désormais établi.