ANALYSES

Salon du Bourget 2009 : stop ou encore ?

Tribune
16 juin 2009
Encore : parce que mondialisation et développement des échanges
La mondialisation est un fait acquis : les échanges ne ralentiront pas dans les années à venir. La civilisation du nomadisme décrite par Jacques Attali dans son livre « une brève histoire de l’avenir » (Fayard) est une réalité. Les jeunes Français commencent leurs études en France, font des échanges dans le cadre d’Erasmus, effectuent un stage à l’étranger, et du fait de leur mobilité, ils seront certainement amenés à occuper des postes à l’étranger. Les flux d’échange devraient donc continuer à augmenter une fois que la crise sera terminée. Le taux de croissance du trafic aérien pourrait revenir à ce qu’il était avant la crise, c’est-à-dire supérieur à 7%, un chiffre plus de 2 fois supérieur à la croissance économique qui était enregistrée à cette époque.

Rafale

Stop : parce qu’avion national, parce que situation de « rafalo-dépendance » des exportations d’armement et du budget de la défense

On pourrait ajouter que le Rafale est cher. Toutefois, comme les avions de la dernière génération sont tous onéreux, on ne peut porter à charge du Rafale cet argument. La première critique que l’on peut faire à l’avion de combat Rafale est qu’il est franco-français. Ce qui n’était peut-être pas un handicap au moment de sa conception en 1985 en devient un aujourd’hui. Même si l’Europe peine à trouver son unité politique et l’adhésion des opinions publiques, comme le prouve le faible taux de participation aux élections européennes, présenter un avion européen à l’exportation est un plus en terme d’images et de soutien politique. Personne ne contestera que l’Eurofighter n’est pas un exemple de coopération réussie mais il bénéficie du soutien de 4 Etats, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, ce qui n’est pas négligeable.

Surtout le Rafale est devenu une sorte de cause nationale imposée aux autorités gouvernementales. Nous avons exporté 2000 Mirage III il y a 40 ans, 300 Mirage 2000 il y a 20 ans et aujourd’hui aucun Rafale. Sans exportation du Rafale, la capacité française à fabriquer des avions de combat risque de disparaître. Sans exportation, le poids du Rafale dans le budget de la défense continuera à être très élevé. Or il faudra bien résorber le déficit public dans le budget de l’Etat qui vient d’exploser avec la crise économique et le plan de relance imposant un choix cornélien dans les coupes de programmes d’armement.

Aujourd’hui, la France est devenue « rafalo-dépendante » pour ses exportations d’armement, une situation qui n’est pas souhaitable, ne serait-ce que parce-que nous avons aussi d’autres matériels militaires à promouvoir à l’exportation : le Rafale risque d’être l’arbre qui cache la forêt.

Encore : Le Rafale tire une locomotive pour l’industrie française de défense, c’est un bon avion

Quand un Rafale est vendu, ce n’est pas uniquement Dassault qui profite de l’exportation de cet avion mais bien tout le tissu industriel français. Thalès et MBDA, l’électronicien et le missilier, sont notamment tous deux fortement impliqués dans chaque vente de Rafale. Aujourd’hui, la cellule de cet avion fabriqué par Dassault ne représente que 25% du coût total de l’avion. Nous avons donc intérêt à exporter le Rafale afin que toute l’industrie française puisse en bénéficier. Ensuite, le Rafale est considéré généralement comme un bon avion qui a l’avantage de la polyvalence : là où autrefois il fallait trois avions différents, le Rafale suffit à tout faire. Sa qualité vient aussi de son armement, les missiles fabriqués par MBDA, et de son électronique, notamment avec une antenne radar active. Il n’a donc rien à envier à ses concurrents. Enfin, la vente du Rafale, comme celle des autres armements français, s’inscrit aujourd’hui dans le cadre d’une offre de sécurité beaucoup plus large de la France à certains pays. Cela permet d’accroître l’influence française. Pour certains pays arabes, c’est une alternative au tout américain synonyme de situation de dépendance, qui n’est pas souhaitable étant donné les conflits dans la région.

Européanisation de l’industrie aéronautique et de défense

Stop alors qu’il faut du encore

L’industrie de défense a commencé à se restructurer à la fin des années 90, début des années 2000. Parallèlement, la Commission européenne a commencé à prôner l’établissement d’un marché européen des équipements de défense. Initialement la crainte était que le Commission européenne applique les potions du libéralisme à la défense, ce qui aurait été inadapté à ce secteur. Ce n’est heureusement pas le cas même si il faut toujours être vigilant. La Commission européenne emploie bien souvent les termes d’autonomie de la base industrielle et technologique de défense et de nécessité de garantir la sécurité d’approvisionnement en équipements militaires des pays européens. La directive sur les marchés publics de défense prend en compte ces préoccupations, qui relèvent de la défense de la souveraineté de l’Union européenne et des pays qui la composent.

Reste qu’un marché des équipements de défense est illusoire si les capacités militaires européennes ne sont pas définies dans un cadre européen, ainsi que les programmes d’armement qui constitueront ces capacités. Et c’est là que le bât blesse. Il n’y a pratiquement plus eu de vrai programme en coopération lancé au niveau européen depuis le missile Meteor et l’avion de transport militaire A 400M.

Dans ce dernier cas, la coopération subit des vicissitudes. L’avion sera livré avec 5 ans de retard et le choix réside aujourd’hui entre mettre en sérieuse difficulté financière EADS si on applique les pénalités de retard, et accepter de payer le surcoût nécessaire à financer le développement de cet avion.

Pourtant, l’absence de solution permettant au programme A 400 M de se poursuivre serait inacceptable. Ce serait un coup terrible pour l’industrie européenne de défense, les Etats se replieraient sur des solutions nationales et il n’est pas sur qu’EADS y survivrait.

L’Europe de la défense ne peut se construire que si il y a des programmes d’équipements structurants au niveau européen, et une industrie restructurée et rationalisée en Europe. Si ce n’est pas le cas, les entreprises seront de plus en plus fragilisées du fait de l’émiettement des marchés et des crédits, notamment pour la recherche et la technologie, et elles perdront toute compétitivité face aux entreprises américaines.

Pour cela il faut faire preuve de volontarisme et faire cesser les égoïsmes nationaux qui ont tendance à se développer durant cette période de crise économique. Aujourd’hui, soit l’industrie aéronautique et de défense poursuit sa restructuration dans un cadre européen entamée il y a 10 ans, en s’appuyant sur des programmes européens, soit elle va disparaître du fait de son manque de compétitivité et de volonté politique face à l’industrie américaine, mais également face à l’industrie des pays émergents tels que l’Inde ou la Chine.



Sur la même thématique
Caraïbe : quels enjeux pour les opérations HADR ?