ANALYSES

Netanyahou-Obama : des visions opposées du Proche-Orient

Tribune
18 mai 2009
Quand il y a un désaccord entre les Etats-Unis et Israël, la plupart du temps, ce sont les Américains qui renoncent à leur position initiale et non Israël. Ce petit Etat semble être plus fort dans leurs relations bilatérales que son partenaire « hyper puissant ».

Une seule « relation spéciale » : avec Israël

Un expert britannique a même écrit après la guerre d’Irak que la « relation spéciale », devise de la diplomatie anglaise, n’était plus d’actualité, le Royaume-Uni ayant perdu toute possibilité d’influencer les décisions stratégiques américaines.

Cette capacité appartient désormais uniquement à Israël. Les raisons profondes de cette tendance générale sont d’ordre historique et politique. Mais celle-ci n’avait jamais été aussi forte que sous la présidence de George W. Bush, notamment à l’image de la guerre de Gaza à la toute fin de son second mandat et de cette anecdote révélatrice.

Le Premier ministre Ehud Olmert essaye de joindre le président américain par téléphone. L’équipe de George W. Bush répond qu’il est injoignable puisqu’il est en train d’adresser un discours officiel. Olmert se met alors en colère et Bush interrompt son discours pour venir lui parler. Olmert lui demande de changer immédiatement le vote américain au Conseil de sécurité des Nations unies concernant Gaza. Bush accepte sur le champ.

Les tensions entre les deux pays se creusent

Mais les choses peuvent changer dans un futur proche. Les tensions entre les deux pays se creusent et Obama ne semble pas prêt à accepter d’obéir systématiquement aux exigences d’Israël. En fait, les agendas diplomatiques respectifs des Etats-Unis et d’Israël sont assez différents, voire même opposés dans une certaine mesure. Par ailleurs, le fait que le gouvernement actuel d’Israël soit le plus à droite de l’histoire du pays n’arrange pas les choses.

La priorité stratégique d’Obama est d’apaiser les rapports entre les Etats-Unis et le monde musulman. Mais pour cela, il sait qu’il faut plus que des discours sympathiques sur le dialogue entre les civilisations, l’éloge du caractère pacifique de l’islam et des sourires adressés aux Arabes.

Si un réel progrès sur le conflit israélo-palestinien, avec des apports directs et pas seulement des perspectives vagues à long terme, n’est pas atteint, sa crédibilité et sa popularité – à son apogée actuellement – vont progressivement disparaître.

Un grand bond en arrière au Proche-Orient

Même si le précédent gouvernement israélien n’a pris aucune mesure particulière dans le sens d’une solution durable, c’est la première fois depuis 16 ans qu’il y a au pouvoir un gouvernement qui renie le principe même d’un Etat palestinien. Il s’agit d’un grand bond en arrière.

Un autre différend entre les deux pays concerne l’Iran. Le gouvernement israélien, en partie en le pensant réellement, en partie par choix tactique – afin de créer un sujet central autre que le dossier palestinien – présente le programme nucléaire iranien comme la principale menace contre la sécurité mondiale et essaye de faire accepter l’idée selon laquelle une guerre pour empêcher l’Iran de fabriquer des armes nucléaires serait moins nuisible que si celui-ci y parvenait.

Israël fait donc pression pour une intervention militaire afin de détruire les capacités nucléaires iraniennes. Mais Obama n’y accorde que peu de crédit, pour quatre raisons :

– Tout d’abord, il sait qu’il ne peut pas se permettre de lancer une nouvelle guerre dans cette région, qui s’ajouterait à celles en Afghanistan et en Irak.
– Il sait aussi qu’une telle opération aurait des effets secondaires stratégiques catastrophiques, compte tenu de la récente guerre de Gaza, de l’absence de solution en vue en Irak et en Afghanistan et de la situation de plus en plus préoccupante au Pakistan.
– Troisièmement, il pense que l’Iran peut plus facilement accepter d’arrêter son programme nucléaire à travers des négociations et en obtenant des compensations que par un bombardement militaire.
– Enfin, dernier élément, et non des moindres, il a besoin de l’attitude conciliante de Téhéran pour pouvoir obtenir des solutions satisfaisantes en Irak et en Afghanistan.

Par conséquent, un fossé est en train de se creuser entre les priorités stratégiques des Etats-Unis et d’Israël et si l’Etat hébreu pense que ses points de vue vont l’emporter encore une fois, rien n’est moins sûr.


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