ANALYSES

Elections municipales à Sotchi et Jeux olympiques 2014 : les ambitions de Boris Nemtsov

Tribune
11 mai 2009
Il convoite la mairie de la ville dont il est originaire: Sotchi, cité balnéaire située dans la partie russe du Caucase. La ville a été désignée organisatrice des jeux olympiques d’hiver de 2014 dans une décision finale rendue le 4 juillet 2007. Et le poste de maire sera remis en jeu le 26 avril après des mois d’instabilité: un premier édile a démissionné à l’été 2008, suivi quatre mois plus tard par son successeur, Vladimir Afanasenkov, lui-même remplacé par son adjoint qui assure l’intérim.

Les conséquences d’une victoire de Boris Nemtsov à ce poste semblent inquiéter le Kremlin. Afin de conjurer ce sort probable, tout est fait pour décrédibiliser cette élection. Les candidats sont légion depuis que cette candidature gênante a été officialisée: près de 25 se sont déclarés parmi lesquels une star du porno, Elena Berkova, un ex-agent du KGB, Andrei Lougovoï, impliqué dans la célèbre affaire de l’assassinat au polonium de Litvinenko à Londres (celui-ci a depuis retiré sa candidature) mais aussi une danseuse de ballet, Anastasia Volotchkova, ou encore le député banquier Alexandr Lebedev. On peut encore citer l’étrange agression dont a été victime Boris Nemtsov le 23 mars: des inconnus l’auraient aspergé d’ammoniaque sans que la police, appelée à deux reprises selon le porte-parole de l’ancien ministre, n’intervienne.

Le candidat ne se décourage toutefois pas et compte bien faire de Sotchi la base des futures conquêtes électorales de son parti ‘Solidarnost’ (en référence au ‘Solidarnosc’ polonais). Après avoir jeté l’éponge avant même le début des présidentielles russes en 2008, Boris Nemtsov paraît déterminé cette fois-ci. Son désistement au profit de Mikhail Kassianov n’avait de toute manière pas porté ses fruits puisque la commission électorale avait refusé son enregistrement le 27 janvier 2008.

La période se prête également à l’élection d’un membre éminent de l’opposition et ce pour de multiples raisons. Sotchi est vue comme la troisième capitale de Russie, après Moscou et Saint-Pétersboug où les candidats sont désignés par le Kremlin. Cette ville recèle une des dernières possibilités d’expression démocratique significative à travers le pays. D’autre part, les revendications séparatistes locales se réveillent dans des régions majoritairement peuplées de russes, comme à Mourmansk (nord-ouest de la Russie, sur la presqu’île de Kola). Le mécontentement monte donc à l’égard d’un pouvoir central dépassé par la crise économico-financière. Les villes portuaires montrent souvent le chemin des évolutions à venir, comme ce fut le cas en Pologne dans les années 1980.

Dans le cas de Sotchi, le mécontentement gronde envers Moscou qui impose des choix en accord avec les intérêts des promoteurs. Côtes, sites naturels et bâtiments anciens sont menacés par leur convoitise, conséquence de la fièvre olympique. Nemtsov et Lebedev tombent d’ailleurs tous deux d’accord pour dénoncer le choix de Sotchi et préfèreraient voir déplacé le site d’accueil des Jeux plus au nord. En effet, le climat subtropical de la ville s’accorde mal avec les infrastructures dont ont besoin des Jeux olympiques d’hiver. En bon homme politique, Boris Nemtsov s’approprie donc ce mécontentement, dénonce la corruption locale et prend parti pour l’écologie aux côtés de WWF et Greenpeace Russie. Un objectif lointain mais probable de cet homme encore jeune est sans doute l’élection présidentielle russe pour laquelle une ville de 400 000 habitants fera office de tremplin ou plutôt de marchepied.

En attendant, il doit déjà se battre contre les autorités qui auraient, selon lui, saisi 125 000 exemplaires de ses tracts électoraux. Il dénonce également son absence de visibilité due au refus des radios et télévisions locales de lui accorder un temps d’antenne correct. Dans ce cas, le maintien à son poste d’Anatoly Pakhomov, qui assure déjà l’intérim et qui bénéficie du soutien de Vladimir Poutine et de Dimitri Medvedev, semble se profiler. Mais les hommes soutenus par le Kremlin perdent parfois, comme à Mourmansk en mars.