ANALYSES

Tournant au sein d’un parti républicain en pleine crise identitaire

Tribune
30 avril 2009
L’annonce faite mardi 28 avril par l’un des plus respectés hommes politiques du parti républicain, le sénateur Arlen Specter de Pennsylvanie, qu’il allait quitter son parti pour rejoindre les démocrates a soulevé un ouragan politico-médiatique outre-atlantique. Plus qu’un simple calcul politicien de la part de Specter, cette annonce signifie également que les républicains se trouvent désormais à un carrefour idéologique, ayant clairement un choix à faire entre une modération ou une plus grande droitisation du parti.

Livrant les raisons qui l’ont poussé à quitter un parti républicain dont il a été membre depuis plus de 42 ans, le sénateur de Pennsylvanie qui va bientôt célébrer ses 80 ans a déclaré qu’il ne se sentait plus en phase idéologiquement avec un parti s’étant à son goût souvent positionné trop à la droite du spectre politique américain. Ce virage à droite du parti républicain avait déjà encouragé le modéré Colin Powell, ancien Secrétaire d’Etat de George W. Bush, à soutenir la candidature du démocrate Barack Obama à la présidentielle américaine de novembre dernier.

D’une certaine façon, le tournant idéologique pris par le parti et la défection des républicains modérés représentent une victoire pour le noyau dur des conservateurs. Les héritiers de Barry Goldwater – qui avait lancé la révolution conservatrice dans les années 60 – ont en effet tout fait pour chasser les modérés du parti républicain et n’ont soutenu la candidature McCain que du bout des lèvres.

Cependant, cette inclinaison à droite a plongé le parti républicain en pleine crise de leadership et d’identité. En quête d’un leader, les électeurs conservateurs se tournent davantage pour faire entendre leur voix vers de virulents commentateurs politiques tels Rush Limbaugh (13 millions d’auditeurs à l’écoute de ses chroniques quotidiennes) plutôt que vers le président du parti républicain lui-même, Michael Steele. De même, les divisions se font croissantes entre les républicains soutenant le leadership de la conservatrice Gouverneur d’Alaska, Sarah Palin, et ceux préférant le plus modéré Gouverneur de Louisiane Bobby Jindal. Ces dernières années, le discours républicain s’est également brouillé et est apparu de moins en moins tolérant sur les questions de société, acculant certaines tranches de l’électorat traditionnel du parti républicain (hispano-américains, femmes) à se tourner vers les démocrates. Enfin, la crise économique actuelle a renforcé les divisions entre les tenants d’une politique fiscale reaganienne qui laisse peu de place au rôle de l’Etat et ceux prenant la Présidence Eisenhower comme exemple de politique économique modérée afin de suivre un électorat américain de plus en plus à gauche sur ces questions.

En pleine mutation identitaire, en quête d’un leadership fort et à un carrefour idéologique, les républicains doivent avant tout choisir entre une plus forte droitisation ou une plus grande modération de leur parti. La défection d’Arlen Specter du parti républicain semble être le signe que le noyau dur des conservateurs n’est pas prêt à laisser les modérés reprendre les reines du parti. Une telle radicalisation du parti républicain pourrait avoir des conséquences non négligeables sur la nature du paysage politique américain : la polarisation du jeu politique en serait renforcée, les électorats républicains et démocrates restructurés, le rôle des Indépendants centristes reconsidéré.

Posture idéologique ou positionnement opportuniste, la nouvelle donne au parti républicain pourrait bien signaler des changements profonds dans la vie politique outre-atlantique.