ANALYSES

Le Maghreb à fond derrière le Pape de l’OM

Tribune
28 avril 2009
Et chacun à son club favori, en fonction de son histoire personnelle, de la ville où il a pu étudier ou travailler. L’OM club historique, symbole d’une ville de métissage, tournée vers la Méditerranée, a toujours suscité une empathie particulière. Elle est en train de devenir un mouvement de fond qui ne peut pas se résumer au bon parcours actuel du club au championnat. La raison de cette hausse de popularité, c’est le facteur Pape. Pape Diouf. Je sais bien que s’agissant de Pape, je ne peux prétendre à l’objectivité, ayant rédigé un livre avec lui.

Mais si j’admets ma subjectivité – basée néanmoins sur des critères objectifs – j’ai constaté que je ne suis pas le seul à être frappé par le « facteur Pape ».

Je reviens du colloque annuel de l’hebdomadaire tunisien Réalités consacré aux perspectives stratégiques de la Méditerranée.

Réalités est un hebdomadaire indépendant, qui jouit d’une réelle et méritée réputation d’indépendance en Tunisie. Les conférenciers venaient d’Europe du Sud et du Maghreb, responsables politiques, chefs d’entreprise et intellectuels mélangés.

Au cours des conversations informelles traditionnelles dans ce genre d’exercice – et qui en font le sel – de nombreux collègues Tunisiens, Marocains ou Algériens sont venus me confier que cette année, ils soutenaient l’OM pour les championnats de France. Et ce, bien que les uns aient été étudiants à Paris, Toulouse, Bordeaux, Lyon, mais pas à Marseille. La raison est qu’ils avaient Pape Diouf dans l’une des nombreuses émissions de télévision qu’il a faite récemment pour la promotion de son livre De but en blanc (Hachette Littérature) et qu’ils ont été séduits par son discours.

Il y a un phénomène à double détente. Il est vrai que parmi les Présidents de clubs, Pape est à part, son phrasé, son parcours, ses convictions, son humanisme… beaucoup d’autres Président ont de ces qualités, aucun ne les réunit à ce point. J’avoue que je ne vois guère un autre Président de club avec lequel j’aurai envie de faire ce ping pong intellectuel qu’a été la rédaction de De but en blanc . Je ne connais aucun autre Président auquel les supporters du club demandent un autographe avec autant d’émotion que pour un joueur vedette de leur équipe. Mais si cet engouement de mes amis intellectuels maghrébins en dit beaucoup sur Pape, il en dit également beaucoup sur leur désarroi, leur crainte d’être stigmatisé, leur désir d’être représentés et reconnus.

Si on interrogeait mes amis intellectuels maghrébins sur leur sentiment d’appartenance, plan d’établir des statistiques, je ne crois pas qu’ils se déclineraient comme noir d’origine africaine, ou franco-sénégalais, comme l’est Pape Diouf. Pourtant, s’ils soutiennent l’OM, en dehors de toute rationalité footballistique (ok, c’est un oxymore, disons en dehors de toute motivation traditionnelle), c’est parce qu’ils s’estiment représentés par Pape Diouf, un représentant de la diversité, qui a réussi, qui n’a ni sentiment de revanche, ni d’orgueil, mais qui leur renvoie une image de succès qu’ils s’approprient.

Ils se réapproprient Pape Diouf, seul Président noir d’un club professionnel en Europe et qui par ailleurs l’a remis dans la bonne voie, qui montre que la différence doit laisser indifférent. Ils s’estimaient solidaires dans le rejet, ils se voient solidaires dans le succès au-delà de leur différentes identités. Et le succès de l’un des leurs – ceux qui sont a priori rejetés pour leur appartenance ethnique, raciale ou religieuse, c’est-à-dire, Noirs, Arabes et musulmans mélangés et confondus, méprisés ou suscitant des peurs phantasmes, les rendent collectivement fiers. Voilà comment expliquer que des intellectuels maghrébins se mobilisent pour un club français dirigé par un Noir. Et voilà pourquoi le Maghreb souhaite la victoire de l’OM en championnat de Ligue 1.

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