ANALYSES

La seconde chance de Netanyahou

Tribune
14 avril 2009
Pourtant, vu le climat politique créé par l’administration Obama et soutenu par les principaux Etats arabes et les Palestiniens, Netanyahou a le potentiel pour faire avancer les négociations de paix de manière significative, et peut finir par surprendre tout le monde dans le processus.

D’un point de vue positif, ceux qui le connaissent bien insinuent que Netanyahou a considérablement mûri depuis l’époque où il était Premier ministre (1996-1999). Il est conscient qu’il ne lui sera jamais donné une autre occasion d’être Premier ministre et qu’il est à un carrefour historique. Netanyahou comprend les modalités pour la paix pour avoir assisté, déjà plusieurs fois auparavant, aux processus de négociation. Il connaît les sentiments de l’opinion publique israélienne et n’oublie certainement pas ce que l’administration Obama attend de tout Premier ministre israélien, à ce stade, dans une région déchirée par de multiples crises.

En outre, les yeux de la communauté internationale sont fixés sur lui et il n’est que trop conscient de la charge qu’il vient juste d’endosser et le peu de temps qu’il possède pour démontrer une politique judicieuse. Netanyahou a annoncé qu’il voulait la paix et la sécurité pour son pays. Il plaide pour le renforcement de l’économie palestinienne et l’engagement dans le processus de paix, tout en n’excluant pas des progrès sur le front syrien. L’Iran demeure décrite comme la plus grande menace pour la sécurité d’Israël et Netanyahou insiste pour qu’elle soit neutralisée.

Dans un premier scenario. Rien dans son discours de campagne ne laisse présager qu’il envisage d’empêcher l’établissement d’une paix israélo-arabe complète. Bien que la nomination d’un membre de l’extrême droite, Avigdor Lieberman, comme ministre des Affaires étrangères a pu signifier, à plus d’un titre, l’abandon de tout effort de rétablissement de la paix, il est probable que Netanyahou utilisera Lieberman de manière stratégique dans son discours afin de satisfaire les circonscriptions les plus belliqueuses d’Israël. Quand il reviendra à la table des négociations, une fois que Netanyahou pressentira qu’il a la possibilité d’obtenir la paix avec la sécurité, il ne permettra pas à Lieberman d’entraver ses plans. Persuader le parti travailliste de rejoindre son gouvernement de coalition et placer Ehud Barak comme ministre de la Défense déplace l’équilibre des forces vers la modération.

Sa coalition pourrait bien être le signal que le futur processus de paix sera ancré dans des arrangements de sécurité et que, lui et Barak, peuvent offrir la ténacité et l’effet de levier nécessaires pour garantir une telle paix. Netanyahou et Barak sont capables de négocier simultanément avec la Syrie et les Palestiniens. Même si les négociations de paix avec les Palestiniens seront laborieuses et prendront encore plus de temps pour se conclure, une progression stable peut être envisagée, tout en avançant vigoureusement sur le volet syrien.

Dans un second scenario. Laissé à ses convictions idéologiques propres et sans pression américaine, Netanyahou pourrait aussi facilement revenir à ses anciennes habitudes. La désunion palestinienne et la lutte interne dans les Etats arabes rendront extrêmement difficile la découverte d’un partenaire pour la paix. Il étendra probablement les colonies, répondra durement aux provocations violentes du Hamas et se concentrera exclusivement sur les menaces iraniennes en reléguant le processus de paix israélo-palestinien au second plan. Il pourrait même ne pas tenir compte des ouvertures de paix de la Syrie, en particulier parce que Damas n’est pas en mesure de regagner le Golan par la force. Il est possible que Netanyahou ne manifesterait qu’un intérêt de pure forme à l’ordre du jour politique d’Obama au Moyen-Orient, et coopérerait uniquement sur des questions de sécurité nationale.

Ce sont en réalité les deux faces de Netanyahou, quoiqu’elles ne soient pas nécessairement contradictoires. Il peut s’appuyer sur l’une ou l’autre direction, selon le niveau, l’intensité et la consistance de l’engagement américain, non seulement en tentant d’obtenir par médiation une paix israélo-palestinienne, mais en mobilisant tous les autres acteurs régionaux dans la résolution du conflit. Pour s’assurer Netanyahou comme partenaire pour la paix, le Président Obama doit être clair sur ce qui doit et ce qui peut être fait pour promouvoir le processus de paix, tout en répondant à la principale préoccupation d’Israël, à savoir la sécurité nationale, et donc l’Iran.

L’administration Obama a besoin de coopérer fortement avec Israël sur le programme nucléaire iranien, et doit démontrer une plus grande sensibilité aux préoccupations d’Israël sur cette menace existentielle. Considérant qu’un dialogue diplomatique avec Téhéran doit être envisagé par les États-Unis, il doit commencer immédiatement, afin qu’une solution à l’impasse nucléaire puisse être trouvée en 2009, période que l’on juge probable avant qu’Israël n’envisage de prendre les choses en main.

Tandis que le Président Obama doit soutenir Netanyahou dans la construction d’une solution économique forte pour les Palestiniens, il doit dans le même temps insister pour que des progrès politiques soient accomplis, en particulier en Cisjordanie. À cet égard, George Mitchell et l’administration Obama doivent être clairs avec Netanyahou: que tous les avant-postes illégaux soient démantelés et qu’un gel temporaire sur toutes les activités de colonisation soit mis en application. Ces actions n’ont presque aucune répercussion sur la sécurité pour Israël, mais créent les conditions qui doivent exister pour que les Palestiniens et les Etats arabes prennent les négociations au sérieux.

Comme M. Obama a récemment adopté l’Initiative de Paix arabe lors de sa rencontre avec le roi saoudien Abdallah à Londres, il doit maintenant s’appuyer fortement sur les principaux Etats arabes, en particulier l’Arabie Saoudite, l’Égypte et la Syrie (maintenant que Washington et Damas ont ouvert le dialogue) afin d’exercer la pression nécessaire sur le Hamas pour le modérer et le pousser à rejoindre le processus politique. Ils doivent désormais se résoudre à freiner le Hamas palestinien et établir un gouvernement d’unité avec l’Autorité palestinienne, afin de parler d’une seule voix. De plus, l’administration Obama doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir de futures contrebandes d’armes dans la Bande de Gaza. Sinon, tant que le Hamas possèdera des armes et continuera à résister violemment à l’existence d’Israël, il fournira à Netanyahou une excuse valable pour geler les négociations israélo-palestiniennes. Le président Obama doit aussi ouvertement inviter Netanyahou à mettre les négociations israélo-syriennes sur la voie rapide et à être prêt à s’impliquer directement dans le processus. En impliquant la Syrie, l’administration Obama peut re-contextualiser le processus de paix et lui donner l’ampleur qui lui a fait défaut. La paix entre Israël et la Syrie est à portée de main et pourrait avoir des incidences sur la sécurité dans la région, servant tout à la fois les États-Unis et Israël en matière de sécurité nationale. En outre, sans le rapprochement israélo-syrien, traiter avec l’Iran sera tout simplement impossible.

Certes, Netanyahou sait que c’est sa deuxième et probablement dernière chance pour faire avancer le processus de paix israélo-arabe, mais il n’est pas disposé à brader les questions de sécurité nationale légitimes d’Israël au profit de la revendication de la paix. Ausi longtemps que le Président Obama percevra ces véritables enjeux de sécurité nationale et les abordera effectivement avec Netanyahou, il pourra trouver en la personne du nouveau Premier ministre israélien un associé disposé à une paix durable.
Alon Ben-Meir est professeur de relations internationales, spécialisé sur le Moyen-Orient, à la New York University. Son blog est consultable sur http://www.alonben-meir.com/
Article traduit avec l’aimable autorisation de l’auteur, par Sylvie Guelluy, assistante de recherche à l’IRIS.