La crise financière en Europe de l’Est, révélatrice des faiblesses de l’Union
Tribune
13 mars 2009
Les chefs d’Etat et de gouvernement européens, réunis à Bruxelles le 1er mars, ont rejeté la demande hongroise évoquée précédemment, mais le Ministre des finances allemand, Peer Steinbrück, pourtant réputé comme étant un faucon de l’orthodoxie monétaire, a affirmé que l’Allemagne était prête à aider les pays en difficultés, s’attirant ainsi les foudres de Jurgen Stark, le membre allemand du Directoire de la Banque Centrale Européenne. Pourquoi une telle colère ? La raison est simple : lors du processus d’intégration des marchés européens, puis de la création de la monnaie unique, le manque de solidarité a primé. Le Traité de Maastricht ne prévoit en effet aucune obligation pour les Etats membres de l’UE d’aider un de leurs pairs en difficultés économique ou financière, la philosophie sous-jacente étant celle de la responsabilité individuelle. Le manque de solidarité devrait obligé les Etats les moins rigoureux à faire attention à leurs déficits publiques. Comme si on vous disait qu’en vous privant d’assurance maladie, vous feriez plus attention à ne pas attraper un cancer.
Cette situation est symptomatique de l’état actuel de la construction européenne. L’Union actuelle ne dispose d’aucun mécanisme de solidarité dans les domaines régaliens, que ce soit en matière de défense ou en matière financière. De la même manière, l’élargissement de la coopération judiciaire est depuis toujours un des dossiers les plus problématiques. Bref, les 27 Etats membres de l’UE font partie d’une Union pas si unie que cela. L’organisme chargé de représenter l’intérêt commun européen, la Commission européenne, a entre temps disparu des écrans radar. Sur n’importe quel dossier fondamental de ces derniers mois, il fut inutile d’attendre une réaction de la Commission, pourtant composée de 27 membres, pour satisfaire les appétits de tous ses Etats. Le Président de la Commission, M. Barroso, a en effet entamé depuis plusieurs mois sa campagne électorale pour obtenir un renouvellement de son mandat. Sa stratégie est la suivante : en faire le moins possible pour ne froisser personne. S’il a totalement réussi la première partie de sa stratégie, la deuxième semble menacée, si on en croit les bruits de couloirs estimant sa réélection de plus en plus improbable, le Président Sarkozy ayant été notamment agacé par l’absence de réactivité de M. Barroso face à la crise.
Mais pourquoi alors Sarkozy serait-il responsable, selon certains, de l’état comateux des institutions européennes ? Parce que si son hyper-activisme a donné l’impression que l’UE était de retour sur la scène internationale, la réalité paraît aujourd’hui bien différente. Avoir le Président français à la tête du Conseil de l’Union Européenne est une chose, avec le prestige diplomatique d’une puissance comme la France, l’activisme et le volontarisme de son Président. Avoir le Premier Ministre tchèque à la tête d’un gouvernement affaibli et marqué de près par un Président, Vaclav Klaus, pour lequel le Parlement Européen ressemble au Soviet Suprême, en est une autre. Et que, entre temps, l’hyperactivisme de M. Sarkozy a donné le coup de grâce à une Commission totalement affaiblie par son Président, mais également par l’évolution de l’actualité. Fini le bon temps de Jacques Delors et des initiatives politiques, la Commission européenne avait trouvé depuis deux décennies sa raison d’être dans le développement du marché commun, de la politique de concurrence, de l’élargissement, des négociations commerciales, etc. Le credo libériste étant en disgrâce, et la question d’élargir encore un ensemble qui ne semble plus avoir ni tête ni queue et incapable d’un minimum de solidarité n’étant pas à l’ordre du jour, toutes ses prérogatives se réduisent comme peau de chagrin. Le Parlement européen, qui doit être renouvelé en juin, lors d’élections qui risquent de rentrer dans l’histoire pour son plus bas taux de participation et par la poussé des partis populistes partout en Europe, n’est pas mieux loti.
Comment sortir, alors, de cette situation ? L’adoption rapide du Traité de Lisbonne pourrait aider, avec les avancées institutionnelles connues. Encore faut il que les Irlandais votent pour en octobre 2009 lors du deuxième référendum qui se tiendra à ce sujet dans ce pays, et que le Président tchèque accepte de signer la ratification du Traité. Mais les institutions ne peuvent rien sans les hommes et les idées. Ce qu’il faut c’est un retour de la « Politique » avec un grand « P » et des initiatives concrètes. Jean-Claude Junker, premier ministre du Luxembourg, propose d’européaniser une partie de la dette des Etats membres, le 40% très exactement. Les 27 réunis pourraient ainsi obtenir un meilleur taux d’intérêt et retrouver des marges de manœuvre financière. Les 60% restants seraient toujours à la charge des Etats-nations, qui auraient tout intérêt à réduire cette dette devenue plus chère que celle européanisée. Cette mesure pourrait s’accompagner de la création de titres de la dette européens (les euro-bond ), et pourraient financer des projets d’intérêt général (comme l’économie verte, la modernisation des infrastructures, des capacités militaires, etc.). Voici enfin une bonne idée. Reste à la mettre en pratique.
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