ANALYSES

Quels sont les enjeux de la visite de François à Bahreïn ?

Presse
3 novembre 2022
Quelle place le pape et le Vatican occupent-ils sur l’échiquier des relations internationales ?

C’est une place originale, le Saint-Siège intervient à la fois comme État et le pape est chef religieux. Les correspondants, les interlocuteurs du pape ont des statuts variés, le pape entretient des relations avec des États, mais également d’autres structures et des chefs religieux. La diplomatie pontificale est à la fois une diplomatie étatique et para-étatique.

Est-ce qu’on peut considérer que le pape a un vrai poids diplomatique ?

Il peut avoir un poids diplomatique spécifique. Il y a deux risques lorsqu’on parle de la diplomatie pontificale : le premier, l’ignorer et ne retenir que l’aspect folklorique et le deuxième, lui donner trop d’importance. Certains axes forts sont renforcés par la personnalité de certains papes. Le pape François se veut homme de paix, sa diplomatie depuis 2013 se veut médiatrice et a pour volonté de renforcer le dialogue interreligieux.

Quelles sont les relations entre le pape et l’islam ?

C’est une relation qui est déjà ancienne et qui se complexifie et s’enrichit. On est passé d’une phase d’ignorance à une phase de reconnaissance. Jean-Paul II a joué un rôle important avec la rencontre d’Assise (Ndlr, en 1986, cent cinquante religieux de douze religions se réunissent pour une journée mondiale de prière pour la paix) et le pape actuel est dans cette continuité. Il veut ouvrir le dialogue sur les thématiques de la liberté religieuse, de la paix et de la tolérance.

Il y a trois ans, aux Émirats Arabes Unis, le pape François a signé le document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune. La visite à Bahreïn s’inscrit-elle dans cette continuité de paix ?

C’est une continuité qui se dégage de cette première visite et des rencontres que le pape fait, cela renvoie à cette volonté du pape d’établir un régime de tolérance entre les acteurs religieux. Cela passe par des rencontres individuelles et la signature de documents. Cette visite à Bahreïn constitue un élément supplémentaire, qui porte un message pour tenter d’arrimer le maximum de religieux et responsables politiques à cette approche nouvelle.

Le Bahreïn est régulièrement dénoncé par des ONG pour violation des droits de l’homme, notamment une persécution du gouvernement sunnite sur la population chiite. N’est-ce pas une forme d’hypocrisie qu’une telle conférence soit organisée avec la présence du pape dans ce cadre-ci ? Quels sont les enjeux qui justifient la visite du pape ?

Il y a des ambiguïtés. La situation des droits de l’Homme, y compris la liberté religieuse, est connue depuis des années. Le risque c’est que le pape soit instrumentalisé et qu’il serve de caution à un régime qui ne le mérite pas. Il faut entendre ces critiques. La diplomatie pontificale connaît ce risque, pour elle, l’important c’est d’insister sur la thématique de la tolérance en pensant qu’ultérieurement ce type de dialogue pourrait avoir un impact sur la qualité des droits de l’Homme.

Le pape va inaugurer la cathédrale Notre-Dame d’Arabie, quel poids a cette inauguration et quel message cela envoie-t-il ?


C’est vraiment symbolique, de montrer la présence du pape dans une cathédrale sur une terre qui est majoritairement musulmane. Le poids médiatique compte, c’est une façon de manifester concrètement que la liberté religieuse fait des progrès et que pour les chrétiens il y a une évolution. C’est une politique de petits pas.

Dans cette politique de petits pas, selon vous quel serait le prochain ?

Il y a deux aspects qui sont importants, c’est de continuer à arrimer des responsables religieux autour de cette politique et faire des rencontres comme celle-ci. Il faut regarder la liste des présents et des absents.

Propos recueillis par Radio Notre Dame.
Sur la même thématique