ANALYSES

L’Algérie a des atouts… à valoriser concrètement

Presse
11 octobre 2022
Comment l’Europe peut-elle s’impliquer davantage en Algérie pour obtenir plus de gaz ?

L’Italie a déjà conclu un accord pour des livraisons supplémentaires de gaz algérien à travers le gazoduc Transmed qui relie ces deux pays. Les volumes supplémentaires doivent commencer à arriver en 2022 et atteindre 9 milliards de mètres cubes par an sur 2023-2024. Par ailleurs, Sonatrach dispose de capacités de liquéfaction à Arzew et à Skikda qui ne sont pas complètement utilisées. Le facteur clé pour de futures exportations est donc l’accroissement de la production, puisque Sonatrach doit évidemment satisfaire en priorité les besoins croissants du marché national. Il faut donc de nouvelles découvertes et de nouveaux développements. A cet égard, Sonatrach et Eni ont signé en mai 2022 un protocole d’accord pour accélérer le développement de champs gaziers découverts en Algérie. De plus, en juillet, deux firmes européennes, Eni et TotalEnergies, ont signé avec Sonatrach et l’entreprise américaine Occidental Petroleum un contrat de partage de production couvrant les blocs 208 et 404 dans le bassin de Berkine. Le même mois, Sonatrach et le groupe français Engie ont souligné leur intention d’accroître leur partenariat gazier. Enfin, plusieurs contrats de fourniture de gaz par Sonatrach à des compagnies européennes ont été récemment révisés pour tenir compte de l’évolution des marchés, ce qui veut dire en clair que les prix prévus par ces contrats ont été augmentés. Il faut par ailleurs évoquer la durée des contrats gaziers qui seront signés : moyen ou long terme ? C’est aussi une question importante pour l’Algérie.

Le président du Conseil européen a récemment annoncé qu’un 2e gazoduc entre l’Algérie et l’Italie était à l’étude. Cela peut-il se faire à moyen terme ?

Il s’agit du projet qui était appelé Galsi mais qui n’a jamais été lancé du fait de l’insuffisance du marché en Italie, même si ce projet n’a pas formellement été abandonné. La guerre en Ukraine et ses conséquences énergétiques peuvent changer la donne en la matière, mais il convient d’être très prudent dans ce domaine. A ce stade, aucune décision n’a été prise, même si on relève des ouvertures du côté italien et européen.

Le gazoduc transsaharien peut acheminer 30 milliards de m3 de gaz nigérian vers l’Europe. Les investissements pour ce projet sont coûteux. Les pays de l’UE vont-ils y contribuer ?

Il s’agit d’un très gros projet dont on parle depuis le début du siècle. Il n’est pas certain qu’il puisse s’inscrire dans les priorités européennes, car les pays européens mettent plus l’accent sur des solutions à court et à moyen termes que sur le long terme. Le gaz naturel liquéfié (GNL) est privilégié compte tenu de sa plus grande flexibilité. Pour les gazoducs, l’intérêt européen se porte plus sur des projets en exploitation et non complètement saturés, tels que le Transmed avec l’accord entre l’Algérie et l’Italie, ou dont les capacités pourraient être accrues assez rapidement (comme le Corridor Sud venant de l’Azerbaïdjan) ou encore sur des projets en Europe comme le Baltic Pipe entre la Norvège et la Pologne, qui est sur le point d’entrer en service, ou enfin, peut-être, sur de nouveaux projets avec des distances assez courtes tels que le Galsi.

Elisabeth Borne a évoqué, lors de sa visite en Algérie en début de semaine, des investissements dans le secteur des énergies renouvelables. L’Italien Eni a de son côté émis l’idée de transporter l’hydrogène vert à travers le Transmed. L’Algérie a-t-elle, selon vous, vocation à devenir un pôle en matière d’énergies renouvelables ?

Depuis un peu plus de dix ans, l’Algérie exprime sa volonté de devenir un très important producteur et exportateur d’électricité produite à partir de sources renouvelables. Plus récemment, la question de l’hydrogène a été mise sur la table. Cela dit, pour les énergies renouvelables, les développements concrets ont été faibles depuis le début de la décennie précédente. Et pour les énergies renouvelables comme pour l’hydrogène, il y a de la concurrence au Maghreb et au Moyen-Orient, région dans laquelle certains très gros producteurs de pétrole et de gaz veulent se positionner en termes de futurs exportateurs d’électricité, d’hydrogène et d’ammoniac. Leurs moyens financiers sont évidemment très importants grâce à la rente pétrolière et gazière. Si l’Algérie veut relever ce défi, il faudra sérieusement accélérer le tempo. L’Algérie a des atouts, mais des atouts sont faits pour être valorisés concrètement.

Paris évoque les terres rares comme une priorité. Quel pourrait être le partenariat entre l’Algérie et la France dans ce domaine ?

Je serai très prudent sur ce sujet à ce stade. L’Algérie a un potentiel minier intéressant, mais il est largement sous-exploré et sous-exploité. Quant aux terres rares proprement dites, nous n’avons pas de données précises et sérieuses concernant les ressources du pays. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de potentiel, cela veut dire qu’il faudrait développer l’exploration pour mieux connaître le potentiel national en terres rares et en métaux et minerais critiques. Dans le cadre des efforts de diversification économique, le secteur minier peut être une bonne option pour l’Algérie, mais il faudrait passer la vitesse supérieure.

Propos recueillis par Akli R pour Algérie aurjourd’hui.
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