ANALYSES

Coupe du monde au Qatar : « Soutenir les progrès plutôt que donner des leçons »

Presse
2 octobre 2022
Pourquoi le Qatar désire-t-il autant se donner une posture internationale ?

Le Qatar est à la fois fort et fragile. Il vit dans une zone géostratégique très instable, coincé entre l’Arabie saoudite et l’Iran, deux pays plus puissants que lui et qui ont des appétits. Les Qatariens n’étant pas certains d’être protégés par les États-Unis en cas de problème, l’émir Hamad Al Thani (remplacé en 2013 par son fils Tamim) a décidé cette politique dans les années 2000, symbolisée par la chaîne Al-Jazeera et le sport, grâce à l’augmentation du prix des hydrocarbures. À part des spécialistes du pétrole et du gaz, qui connaissait le Qatar avant 2010 et le rachat du PSG  ?

Il attire également les critiques…

Le Qatar n’a pas anticipé que sa notoriété allait susciter des inconvénients, notamment sur le sort des immigrés, la « kafala » supprimée en 2016 (une tutelle qui privait les étrangers de droits). Mais c’est aussi la Coupe du monde qui a contraint le Qatar à lâcher du lest sur le plan social et sociétal, plus que les pays voisins d’ailleurs, alors que sa population demeure conservatrice.

Une enquête du Guardian évalue à 6 500 morts le nombre d’ouvriers morts en construisant les stades…

L’exploitation des immigrés et les agences du travail sont problématiques dans un pays où 90 % de la population est immigrée (2 millions d’étrangers contre 200 000 Qatariens). Et on oublie qu’en France, il y a entre 700 et 1 000 morts par an à cause des accidents du travail.

Fallait-il accorder la Coupe du monde de football, l’événement le plus suivi, à un pays pas vraiment démocratique comme le Qatar ?

Il est trop tard pour se poser la question puisque la Coupe du monde lui a été attribuée en 2010. Les grandes ONG comme Amnesty International ou Human Rights Watch se servent plutôt de la Coupe du monde pour réclamer au Qatar des efforts supplémentaires.

Était-ce bien utile de construire des stades climatisés ?

Les organisations d’événements sportifs ne sont pas irréprochables. Il faudra sans doute rénover les processus d’attribution. On a bien vu des JO d’hiver à Pékin sur de la neige artificielle. Comme le dit le biathlète Martin Fourcade, on se pose moins la question de nos piscines chauffées ou de nos patinoires réfrigérées.

Pourquoi le Qatar a-t-il choisi la France comme pays ami ?

En 2000, Total a sauvé le Qatar au bord de la faillite en explorant des champs gaziers. L’émir d’alors était francophile et francophone. Avec la France, il s’est choisi une alliance complémentaire des États-Unis. Le Qatar étant un marché intéressant, le rapprochement était gagnant-gagnant avec notamment l’achat du PSG en 2010 mais aussi des investissements dans Lagardère, Airbus, les nouvelles technologies, l’immobilier

Faut-il boycotter le Qatar ?

C’est l’éternel débat du pays des droits de l’Homme. La pensée occidentale ne passe plus, on le voit avec l’Ukraine. Chaque pays a son histoire, son ADN. Nous devrions plutôt soutenir le Qatar dans ses progrès plutôt que de donner des leçons et refuser tout contact.

 

Propos recueillis par Olivier Berger pour La Voix du Nord.
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