ANALYSES

Affaire sensible : l’affaire des paris truqués a éclaboussé le monde du hand en 2012

Presse
23 juin 2022
Interview de Pim Verschuuren - Sport et vie
En 2012, on savait que des affaires de paris truqués polluaient le sport. Dans le grand public, on a tout de même été surpris qu’elles concernent aussi le handball qui jouissait jusqu’alors d’une excellente réputation.

Beaucoup de gens pensent effectivement que certaines disciplines sont plus vertueuses que d’autres. On cite alors le handball, le basket ou le rugby. Cela dépend. Mais lorsqu’on suit l’actualité au quotidien et qu’on s’intéresse aux malversations de l’industrie du pari sportif, on réalise que la seule chose qui compte vraiment, c’est la fragilité intrinsèque de chacune de ces disciplines face aux fraudes. De ce point de vue, le football est intéressant car il génère d’énormes flux d’argent dans les quels les montants des paris truqués seront facilement noyés. Dans des disciplines ou compétitions moins médiatiques, il peut être plus facile de truquer des rencontres car les participants sont plus précaires. Par contre, les grosses sommes sont alors faciles à repérer sur les sites de paris. Au bout du compte, on s’aperçoit qu’aucune discipline n’est épargnée par les risques et les occurrences. Pas même les fléchettes ou le billard !

Lorsqu’on analyse le dossier des paris truqués en handball, on est vite frappé par l’amateurisme des intervenants et leur sentiment d’impunité.

Dans cette affaire, plusieurs facteurs devaient inévitablement donner l’alerte. En premier lieu, les sommes exceptionnelles mises en jeu. C’est déjà très louche. De plus, ces paris avaient été enregistrés pour la plupart dans la région de Montpellier. Or il est rare qu’on parie contre les locaux surtout lorsque ladite formation fait partie du gratin mondial. A l’époque, Montpellier était l’équipe la plus titrée de France avec ses quatorze titres de champion. Enfin, les paris portaient sur le score à la mi-temps, ce qui est plutôt inhabituel. Tout cela ne suffit pas à prouver la corruption. Mais c’est assez pour ouvrir une enquête! Celle-ci allait vite révéler que les paris avaient été passés via le téléphone des compagnes des joueurs. Ce sont des erreurs que des tricheurs plus aguerris n’auraient jamais commises.

Qu’avez-vous pensé du verdict du procès ?

Les joueurs ont été condamnés en appel. Cela signifie que la corruption a été établie. Leur image a beaucoup souffert de cette affaire. Celle du sport aussi. Les coupables ont donc assez logiquement été mis à l’amende en plus des sommes importantes qu’ils durent payer en frais d’avocat. Ils ne s’en sont pas sortis indemnes. Au final, je trouve tout de même que les sanctions prononcées ont été relativement clémentes au regard de la gravité des faits. Je regrette par exemple qu’ils n’aient pas été obligés de participer à des programmes de sensibilisation. Ils auraient pu expliquer aux jeunes joueurs les risques que l’on prend en se prêtant à ce genre de magouilles. Je regrette aussi que certains accusés se soient obstinés à ne rien avouer. C’est dommage! S’ils l’avaient fait, je pense que le public aurait compris que la jeunesse est propice à ce genre de bêtises. En niant toute responsabilité, c’est comme s’ils refusaient de reconnaître l’existence d’un problème.

Pourquoi ne l’ont-ils pas fait?

Le scandale a éclaté alors que l’équipe de France venait de remporter la médaille d’or aux Jeux olympiques de Londres. Ils se sont accrochés vaille que vaille à leur statut de stars. On voit cela aussi dans d’autres domaines. Plus une personne est adulée et moins facilement elle consentira à avouer ses faiblesses.

Qu’est-ce qui a changé au cours des dix dernières années?

Après ce scandale, la Fédération française de handball (FFHB) et la Ligue du handball professionnel (LNH) ont multiplié les initiatives pour sensibiliser les jeunes aux dangers qu’ils pourraient courir en participant à une entreprise de trucage de match. Des rencontres ont été organisées dans les vestiaires. Un système d’e-learning est aussi proposé sur internet. Ce scandale aura eu au moins ceci de positif qu’il aura permis cette prise de conscience. Aujourd’hui, le hand est sans doute la discipline qui en fait le plus en matière de prévention dans ce domaine.

Les joueurs ont également désormais l’obligation de signer une charte éthique en début d’année.

Cette charte est effectivement née juste après l’affaire de 2012. Elle n’est pas propre aux handballeurs. Tous les sportifs sont concernés, ce qui marque effectivement un tournant dans l’histoire des paris truqués. Avant cette charte, rien n’interdisait qu’un joueur puisse parier sur des rencontres dans son sport, même quand elles le concernaient directement. Aujourd’hui, c’est interdit et les fédérations, en tant qu’organes privés, ont le droit de sanctionner leurs membres en cas de non-respect de la charte.

Une nouvelle affaire Karabatic serait-elle encore possible aujourd’hui?

Disons qu’elle est moins probable grâce précisément à l’instauration d’une série de garde-fous. Dans beaucoup de pays, on a mis en place des programmes de prévention auprès des sportifs eux-mêmes. Les services de police et de justice sont sensibilisés sur le sujet, ce qui facilite les enquêtes. Le Conseil de l’Europe a quant à lui créé une convention internationale sur la manipulation des rencontres sportives. Tout cela peut contribuer à expliquer que les gros scandales de corruption sont en diminution, les alertes se cantonnant plutôt à des championnats de seconde zone. Cette mobilisation politique et celle des autorités sportives semblent porter leurs fruits, même si la manipulation existe toujours et reste certainement sous-estimée à l’échelle internationale.

Propos recueillis par Aurore Braconnier pour Sport et vie.
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