ANALYSES

France-Russie : de l’Europe orientale au Mali, des choses à se dire

Presse
27 janvier 2022

Cinq ans après l’accueil à Versailles de Vladimir Poutine qui commémorait notamment 300 ans d’une forte diplomatie entre la France et la Russie, quel est l’état de la relation Paris-Moscou ? Que peut dire Emmanuel Macron à son homologue ?


Les relations avec la Russie sont dans une phase un peu difficile. La France, à la présidence de l’Union européenne, ne peut pas faire grand-chose sans passer par l’UE.Tant qu’elle avait une capacité de manœuvre autonome, elle intéressait la Russie mais à partir du moment où elle joue le jeu de l’Union européenne, beaucoup moins. Les Russes ont en mémoire, par exemple, l’après sommet Biden-Poutine, en juin, à Genève.

Macron et Merkel ont dit « ces deux-là ils sont en train de parler de sécurité en Europe dans notre dos. Il faut donc que l’Europe prenne l’initiative ». Ils ont proposé au Conseil européen d’ouvrir un dialogue avec Poutine mais s’y sont cassé le nez. La plupart des États de l’UE ont dit, « Vous n’y pensez pas ! La responsabilité du dialogue stratégique avec Moscou, c’est l’OTAN et les Etats-Unis ! ». Les Russes en ont tiré les conclusions : l’impératif du consensus européen fait que la marge de manœuvre de la France – comme de l’Allemagne d’ailleurs- est très faible. L’effort de relance de la relation franco-russe par Emmanuel Macron se heurte aux mêmes difficultés.

Face à la flambée des prix de l’énergie et la Russie étant un fournisseur majeur de l’Europe, la question du gaz sera-t-elle mise sur la table ?


Avec un baril à 100 $ et un PIBrusse reposant à 30 % sur le gaz et le pétrole, la question de l’énergie est cruciale. L’Europe importe 40 % de son gaz de Russie et la Russie reçoit 50 % de ses devises de l’Europe, au titre des hydrocarbures. Il y a donc une double dépendance. Mais avec l’entrée en service du gazoduc Nord Stream 2, l’Allemagne deviendrait, de fait, le « hub » gazier de l’ensemble de l’Europe.

Lorsque l’économie redémarrera, l’Allemagne aura besoin de ce gaz pour lequel elle a signé un accord avec les Russes assurant notamment un transit de gaz résiduel au profit de l’Ukraine, et ce, à la demande des Etats-Unis. Le bémol, c’est que les Allemands font la guerre au nucléaire français alors qu’en même temps, ils achètent du gaz à la Russie… Au-delà de la seule question ukrainienne, NordStream2reste donc un point de divergence entre Paris et Berlin face à la Russie.

De l’Ukraine à l’Afrique de l’Ouest… L’opération Barkhane est, elle, visée par des campagnes « anti-françaises » orchestrées sur les réseaux tandis que les paramilitaires russes de Wagner opèrent désormais au Mali. Cela sera-t-il aussi abordé ?


Sûrement, parce que c’est une approche globale. L’an dernier, Français et Russes avaient créé des groupes de travail pour parler de l’ensemble des questions, y compris africaines. On évoquera donc nécessairement la relation avec Bamako.

Dans l’esprit des Russes nos positions sur l’Ukraine et leur attitude en Afrique font partie d’un tout à discuter dans un cadre bilatéral. C’est assez clair. En ce qui concerne les attaques cybernétiques ? C’est sûr qu’on ne prête qu’aux riches et que les Russes sont assez bons là-dedans. Mais c’est toujours très difficile d’avoir la preuve de la culpabilité d’un pays ou l’autre. Ce qui est sûr, c’est qu’en Afrique, il y a une campagne pour déstabiliser la légitimité de l’action française dans sa lutte contre le terrorisme. Mais l’intérêt des Russes n’est pas qu’un État islamique s’installe au Sahel. Donc, je pense que dans cette négociation, probablement, on arrivera à des solutions.

 

Propos recueillis par Pierre Challier pour La Dépeche.
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