ANALYSES

Respect des droits humains. Faut-il boycotter les compétitions sportives internationales ? Une réponse plus cosmétique que probante.

Presse
6 janvier 2022
« Pratique que l’on pensait réservée à la guerre froide, le boycott d’une compétition sportive semble redevenu une hypothèse crédible au cours des derniers mois. En effet, à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques de Pékin en février 2022 et de la Coupe du monde masculine de football au Qatar en décembre, la publication de différents rapports et articles sur la situation des droits humains au sein de ces pays a poussé l’opinion publique, les politiques et, de manière inédite, certains acteurs sportifs eux-mêmes (fédérations nationales, clubs, athlètes) à se saisir du sujet. Face à la multiplication des enquêtes, difficile en effet de les balayer d’un revers de main et d’assister à des compétitions qui se termineront immanquablement par des organisateurs ne tarissant pas d’éloges sur les pays hôtes, ne prêtant que trop peu attention aux conditions d’organisation.

Pour certains, participer ou même regarder ces compétitions reviendrait à cautionner les régimes des pays hôtes et leurs politiques. Si cette approche peut s’entendre et se comprendre, notamment eu égard à son aura symbolique, force est pourtant de constater que la logique du boycott, qu’il soit diplomatique (c’est-à-dire que les représentants officiels ne se déplacent pas lors des cérémonies d’ouverture et de clôture) ou sportif (le Comité national olympique n’envoie pas les athlètes concourir), apparaît surtout comme une solution qui semble plus cosmétique que réellement probante pour au moins trois raisons.

Premièrement, aborder la question des sanctions revient inévitablement à soulever l’enjeu de leur efficacité. Or, le boycott sportif n’a que trop rarement prouvé son efficacité. Ne prenons que deux exemples : les boycotts de 1976 et de 1980. Le retrait des Jeux de Montréal de 1976 de 29 Comités nationaux olympiques pour dénoncer la présence de la Nouvelle-Zélande, qui continuait à entretenir des liens avec l’Afrique du Sud ségrégationniste, n’a pas eu l’effet escompté. Le régime raciste sud-africain ne s’effondrera que quinze années plus tard. Quatre ans après, à Moscou, le boycott massif (66 Comités nationaux olympiques tout de même) du bloc occidental aux Jeux, dénonçant l’invasion par l’URSS de l’Afghanistan, n’en traîna aucun retrait des troupes soviétiques. II fallut même attendre 1989 pour voir l’Armée rouge se retirer.

Deuxièmement, si le boycott, sportif ou diplomatique, a certes pour objectif d’attirer l’attention sur une pro
blématique, il entend surtout provoquer un rapport de force avec l’entité visée. Aussi, s’il n’est que peu suivi,  il ne peut réellement peser et pourrait même s’avérer contre-productif. Utilisé lors de la guerre froide, car pensé dans une logique de blocs, le boycott aujourd’hui apparaît donc comme une arme surannée, incapable de fédérer au-delà des divergences politiques.

Troisièmement, au regard des faits reprochés – rappelons que concernant la situation en Chine, la Maison-Blanche
dénonce tout de même un «génocide en cours au Xinjiang» -, si l’on peut admettre qu’acter un boycott diplomatique entend être un acte fort symboliquement, il n’en demeure pas moins très léger politiquement et ne doit pas être un pis-aller, certes peu coûteux mais inutile. Afin d’être en cohérence avec ces accusations graves, il s’agirait de déployer toute une série de sanctions politiques, économiques, diplomatiques à la hauteur des problématiques soulevées. De même, quelle place et quelle responsabilité pour les sponsors et diffuseurs, qui, eux aussi, ont un réel poids sur ces événements ? En revanche, il convient de concéder que si l’objectif d’empêcher le bon déroulé de ces compétitions semble complexe à atteindre, celui visant à attirer l’attention politique, médiatique et citoyenne sur ce sujet est en
passe d’être atteint. Mais peut-on se contenter uniquement et seulement d’attirer l’attention ? »

 

Publié dans l’Humanité.

 
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