ANALYSES

Respect des droits humains et sociaux. Faut-il boycotter les compétitions sportives internationales ?

Presse
16 décembre 2021





Faut-il boycotter ces événements sportifs pour protester contre la situation des droits de l’homme en Chine et contre le sort réservé aux travailleurs immigrés au Qatar ? Peut-on confier JO et Coupe du monde à des pays qui ne respectent pas les standards démocratiques ? La question amène intuitivement une réponse négative. Les choses sont cependant plus compliquées.

Qui définit quel pays peut être considéré comme démocratique ou non ? Quel serait le comité de sélection ? Certes, on voit rapidement la différence entre le régime chinois et un régime européen, mais la question de qui décide reste posée. Car, à écouter les appels au boycott, on en reviendrait vite à la situation prévalant jusqu’aux deux tiers du XXe siècle de réserver ces événements sportifs aux pays occidentaux. Est-ce que l’organisation des JO devrait être réservée à l’Europe et à l’Amérique du Nord et celle des Coupes du monde à l’Europe et à l’Amérique du Sud ? Le sport est devenu universel, la démocratie ne l’est pas encore. Il n’est donc pas illogique que les pays occidentaux perdent également le monopole d’organiser ces grandes commémorations et que l’on assiste à une multipolarisation des compétitions sportives mondialisées.


Pourquoi, par ailleurs, seul le sport ferait l’objet de boycott ? Nul ne demande de cesser tout commerce avec la Chine ou d’arrêter les contrats en cours avec le Qatar. Si des pays sont infréquentables, ils ne devraient pas l’être uniquement pour les activités sportives. Mais le sport, très visible, est une cible plus facile que les activités culturelles ou commerciales. On voit là un autre biais : se donner facilement bonne conscience en faisant un exemple spectaculaire avec le sport, sans rien toucher pour le reste des activités et échanges. Derrière ces propositions se cache – assez mal – un relatif mépris pour le sport.


Il faut distinguer le boycott diplomatique du boycott sportif. Les chefs d’État et de gouvernement ne sont pas obligés de se rendre aux cérémonies d’ouverture s’ils ne veulent pas afficher de supposées bonnes relations avec le pays hôte. Mais il n’est pas juste de priver les sportifs de pouvoir défendre leurs chances, de pouvoir exercer leur sport, surtout si ce sont les seuls auxquels on demande un tel sacrifice. Si, par ailleurs, le boycott n’est le fait que de pays occidentaux, il sera vécu par les pays du Sud non pas comme un désaccord sur les questions politiques, mais comme la volonté de ne pas reconnaître leur émergence. Et il permet aux gouvernements de rassembler derrière eux les populations par un réflexe patriotique.


L’événement sportif peut servir de levier. Les ONG ne demandent d’ailleurs pas le boycott de la Coupe du monde au Qatar, mais réclament plutôt que celle-ci serve de levier d’amélioration du sort des émigrés dans le pays. L’extrême visibilité de la Coupe du monde, recherchée par le Qatar, a mis en lumière le sort déplorable des travailleurs immigrés et amène le Qatar, pour faire face aux critiques, à améliorer leur sort.


En 2005, Londres a obtenu l’organisation des jeux Olympiques de 2012. Le Royaume-Uni est certes une démocratie, mais il s’était lancé, deux ans auparavant, dans la tragique guerre d’Irak. Aurait-il dû être sanctionné ? Les appels au boycott peuvent être à double sens. Je ne serai pas étonné que, dans certains pays, il y ait des mouvements d’opinion pour boycotter les jeux Olympiques de Paris en 2024. Cela pourrait en surprendre beaucoup, car, jusqu’ici, les appels au boycott étaient le monopole des Occidentaux. Mais, ici comme ailleurs, la roue tourne et ces derniers vont désormais probablement devoir également subir ces mouvements d’opinion.


 


Publié dans L’Humanité.

 



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