ANALYSES

Faut-il boycotter les Jeux olympiques de Pékin ?

Presse
22 novembre 2021
Interview de Pascal Boniface - La Croix
Chaque chef d’État et de gouvernement est libre d’aller quelque part pour montrer sa proximité avec un pays. Ils peuvent venir aux Jeux olympiques ou à une compétition sportive pour entretenir une relation ou reconnaître l’importance de l’événement. Ne pas y aller est aussi une rebuffade pour le pays hôte.

Si Joe Biden a toujours la volonté de montrer sa mauvaise humeur par rapport à Pékin, le boycott diplomatique suffira à le faire et on peut s’attendre à ce qu’il n’y ait aucun officiel américain lors de l’ouverture des JO d’hiver de Pékin. Mais pourquoi seuls les sportifs devraient-ils payer le prix de sanctions à l’égard de la Chine alors qu’ils s’entraînent et se préparent depuis des années pour ces compétitions ? Pourquoi les sportifs devraient-ils seuls payer le prix des sanctions contre la Chine ?

On ne demande pas au milieu culturel ou économique de boycotter la Chine. S’il fallait le faire pour les JO de Pékin, pourquoi continuer à acheter et à vendre en Chine ? II y a une sorte de facilité de certains milieux intellectuels ou politiques à dire : le plus simple, le plus visible, c’est de demander un boycott sportif.

En 1980, Jimmy Carter avait interdit au comité olympique américain d’aller aux JO de Moscou et les sportifs avaient regretté d’avoir à porter le poids de la brouille entre les deux pays. II est possible qu’un ou deux sportifs américains décident de ne pas se rendre aux JO de Pékin. Mais je ne crois pas que Joe Biden irait jusqu’à interdire au comité olympique américain de s’y rendre. Je pense que ce dernier en verra une délégation et ses sportifs auront à cœur de défendre leurs chances et de porter les médailles.

Dans le cas de la joueuse de tennis chinoise, Peng Shuai, qui a été un élément important dans la dégradation de l’image de Pékin, les Chinois ont dû être surpris que ce soient les sportifs qui se mobilisent. Et je pense qu’à terme, ils vont la libérer, montrant ainsi que la pression du mouvement sportif a payé. Comme lors des Jeux d’été de Tokyo, où le CIO a pesé pour que l’athlète biélorusse, Kristina Timanovskaïa, ne soit pas rapatriée de force dans son pays après avoir critiqué le régime et son entraîneur.

II faut admettre que le sport est universel et que les démocraties ne le sont pas. À chaque fois, il y a des débats pour savoir s’il est légitime ou non d’organiser des compétitions sportives dans des pays non démocratiques, mais qui décide que tel ou tel pays peut le faire ?

Quand en 2005, on attribue à Londres les JO de 2012, c’est deux ans après la guerre d’Irak pendant laquelle l’engagement du Royaume-Uni n’a pas été une très grande réussite. Certains estiment que seuls les pays occidentaux peuvent organiser ces grandes compétitions. Or, la mondialisation fait qu’il y a une sorte de multipolarisation de l’organisation des compétitions qui ne sont plus, pour la Coupe du monde de football, l’exclusivité de l’Amérique du Sud et de l’Europe, et pour les JO, celle de l’Amérique du Nord et de l’Europe.

 

Propos recueillis par Agnès Rotivel pour La Croix.
Sur la même thématique