ANALYSES

Sommet Biden/ Xi : surplace et guerre des mots

Presse
16 novembre 2021
Interview de Emmanuel Lincot - Atlantico
Joe Biden et Xi Jinping ont organisé un sommet en visioconférence ce lundi soir, le premier depuis de longues semaines. Ils ne se sont parlé officiellement que deux fois, au téléphone, depuis l’élection de Joe Biden. Quelle importance revêt ce sommet ? Quels étaient les intérêts des deux pays ? 

Les deux hommes se connaissent depuis très longtemps. Joe Biden a toutefois reproché à son homologue chinois de ne pas être sorti de Chine depuis deux ans. Officiellement pour des raisons liées à la pandémie. Officieusement sans doute pour des raisons de sécurité liées notamment aux échéances du parti communiste. Les deux États, on le sait, ont des contentieux très importants. Que ce soit dans le domaine de l’économie mais aussi et surtout sécuritaire. Avec au centre même de leurs préoccupations des questions liées à Taiwan, le respect de son intégrité aérienne et maritime. Il est capital que les deux représentants des États  les plus puissants du monde se parlent davantage, pour éviter qu’il y ait des dérapages. Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a salué  les initiatives de la Chine en matière de lutte contre la pollution même s’il a aussi rappelé  qu’aucun officiel chinois de haut rang n’était présent à Glasgow. Il n’y pas grand chose à attendre de ce sommet même si le simple fait d’échanger revient à reconnaître des positions affirmées  de part et d’autre. Et cela est toujours une avancée.

Plusieurs sujets complexes pèsent sur les relations sino-américaines depuis des mois :  Taiwan, la guerre économique, etc.Que sait-on de ce qui a vraiment été mis sur la table lors de ces discussions ? De ce que l’on sait, des avancées ont-elles été faites  ?

On assiste tout d’abord à une guerre de mots. Les Américains parlent de « compétition vive ». Alors que les Chinois s’y refusent. Sur le climat, les uns et les autres pourraient se retrouver même si dans les faits la Chine ne sera pas au rendez-vous des attentes escomptées en matière de décarbonation de l’économie. Là où les différends sont les plus nombreux tournent autour de Taïwan. Washington est plutôt favorable au statu quo tandis que les Chinois sont plus pressants sur la question. Bref, les rapports sont évidemment dissonants. Mais le ton entre Américains et Chinois aura déjà changé comparé à la rencontre désastreuse qui s’était tenue, il y a quelques mois, à Anchorage. Il est un peu plus courtois et les Américains ont saisi que la question des droits de l’Homme était avant tout une pierre d’achoppement. On parle d’achat éventuel de Boeing, aux dépens des Airbus européens par exemple. Business as usual, en somme, pour tenter de se rabibocher mais c’est en réalité, je le crains, un pis aller.

L’absence des européens à de telles discussions est-elle préjudiciable ? Faut-il y voir le signe d’une moindre considération ? Quelle place cela laisse-t-il à l’Europe pour ses propres discussions ?

Ni les Américains ni les Chinois ne souhaitent la participation des Européens dans leurs échanges. Non plus que les Européens d’ailleurs. A chacun son histoire. Celle des relations sino-américaines est devenue potentiellement conflictuelle. La relation sino-européenne l’est moins. Les Européens doivent se cantonner à un second rôle, pour le moment. C’est une position que nous devons assumer moins en tant qu’acteurs qu’observateurs. Comprenons le comme une opportunité. Lorsque vous êtes premiers en tout, vous avez des obligations qu’Américains et Chinois sont d’ailleurs incapables de tenir. Il y a donc pour Bruxelles un temps de maturation avant de définir ce que sera son orientation tant vis vis des Etats-Unis que de la Chine en nous ménageant un espace de dialogue et d’action qui ne nous aliène d’aucune façon et nous préserve de la guerre. Cela a un nom: la diplomatie.
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