ANALYSES

Crise des migrants à la frontière Pologne-Biélorussie : Loukachenko peut-il vraiment limiter les livraisons de gaz à l’Europe ?

Presse
12 novembre 2021
Interview de Pascal Boniface - LCI
Les menaces de Loukachenko sont-elles crédibles ?

En aucun cas. D’une part, ce gaz n’appartient pas à Loukachenko, puisque la Biélorussie n’est que le pays dans lequel le gazoduc passe. Elle reçoit d’ailleurs une redevance pour cela. Si le président biélorusse coupait le gaz, il se pénaliserait lui-même, alors que la situation économique de son pays n’est pas très florissante. Surtout, il se heurterait au véritable décisionnaire : Vladimir Poutine. Le gaz vient de Russie, qui a besoin des dollars européens. Trois-quarts des recettes d’exportation de la Russie sont issues de la matière première énergétique, dont le gaz.

Justement, le Kremlin a assuré ce vendredi que les livraisons de gaz russe à l’Europe ne seraient pas suspendues. Loukachenko n’a donc aucun pouvoir sur le gaz ?

Non, Loukachenko n’a aucun pouvoir de décision en la matière. Dans cette affaire, le maître, c’est Poutine. En réalité, il s’agit d’un bluff total destiné à faire peur. Je ne vois pas Poutine accepter que ses recettes d’exportation puissent être affectées par une décision de Loukachenko, qui n’a aucune emprise sur lui.

Au niveau du gaz, dont les prix ont bondi ces dernières semaines, les pays européens n’ont donc rien à craindre ?

Non. Nous sommes effectivement dépendants du gaz russe, mais la Russie est aussi dépendante de nos dollars. Si le gaz ne représentait qu’un faible pourcentage des recettes d’exportation de la Russie, alors nous pourrions craindre la menace du chantage. Mais pour Vladimir Poutine, exporter son gaz est vital. Ce n’est pas Loukachenko qui va décider quoi que ce soit.

Comment Loukachenko peut-il alors agir pour déstabiliser l’Europe ?

Son principal levier, c’est de continuer ce qu’il fait. Alexandre Loukachenko n’est pas une puissance, mais c’est une nuisance potentielle. En ce moment, il frappe l’Europe là où cela fait mal : l’UE a peur des mouvements de réfugiés et est divisée sur cette question. Si les pays européens n’ont pas envie d’accepter trop de réfugiés, ils n’ont pas non plus envie de donner l’image que donne la Pologne, à savoir renier tous les engagements juridiques auxquels elle a souscrit. Le meilleur moyen d’action de Loukachenko est donc de continuer à faire venir des charters en provenance du Proche-Orient, où les candidats qui espèrent avoir une meilleure vie en Europe ne manquent pas.

 



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