ANALYSES

Est-il justifié de parler d’une nouvelle guerre froide qui opposerait Washington à Pékin ?

Presse
19 juillet 2020
Interview de Pascal Boniface - Le Drenche
Du temps de la Guerre froide soviéto-américaine, Moscou et Washington étaient à la tête d’alliances globales qui étendaient leurs ramifications dans le monde entier. Tous les conflits impliquaient un protagoniste lié soit à Moscou soit à Washington. On ne voit rien de semblable dans les conflits actuels qui n’opposent jamais, même indirectement, Pékin à Washington. L’Union soviétique avait de fait pour objectif de rattraper militairement les États-Unis, et y est parvenue. C’est d’ailleurs cette course aux armements qui a en grande partie ruiné son économie. Aujourd’hui, l’avantage militaire des États-Unis à l’égard de Pékin est très net. Les dépenses militaires américaines s’élèvent à 738 milliards de dollars tandis que les dépenses militaires chinoises n’atteignent que 200 milliards de dollars. L’Union soviétique n’avait jamais dépassé 40 % du PIB américain. Aujourd’hui, le PIB chinois est toujours inférieur au PIB américain, mais il en représente déjà 60%. L’avantage économique des États-Unis est donc réel, mais il en train de diminuer. Contrairement à ce qui existe entre Pékin et Washington, il n’y avait presque aucune relation économique entre l’Union soviétique et les États-Unis. De surcroît, l’économie chinoise du XXIe siècle est complètement intégrée à l’économie mondiale, ce n’était pas le cas de l’économie soviétique.

Contrairement à l’URSS, la Chine n’a pas l’ambition d’instaurer le communisme à l’échelle mondiale. La Chine est une puissance dirigée par un parti communiste dont les deux forces motrices sont le nationalisme et le capitalisme. Les Chinois ambitionnent surtout de redevenir la première puissance qu’ils étaient au XIXe siècle, mais cette fois dans un monde globalisé. Pour leur part, les États-Unis souhaitent rester la première puissance mondiale. Le combat actuel n’est plus idéologique, mais une lutte pour la suprématie mondiale.

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, Nixon et Kissinger, constatant d’une part le déclin relatif des États-Unis en grande partie dû à la guerre du Vietnam et à la montée en puissance de l’URSS, ont décidé d’entamer une période de détente, car ils savaient que la Guerre froide ne jouait plus en leur faveur et qu’il fallait trouver des arrangements avec l’Union soviétique. Or aujourd’hui, face à la montée en puissance de la Chine, les États-Unis de Donald Trump font l’inverse. Ils préfèrent accentuer la rivalité au risque de se confronter à une Chine de plus en plus agressive. Les deux pays parviendront-ils eux aussi à la détente ?
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