ANALYSES

La position de la France doit évoluer sur le dossier libyen

Presse
26 juin 2020
Interview de Didier Billion - Les echos
Pourquoi les tensions entre la France et la Turquie surviennent-elles maintenant ?

Si j’osais une comparaison, je dirais que la relation entre la France et la Turquie est à l’image de celle d’un vieux couple. Les périodes d’entente cordiale alternent avec les crises. Depuis quinze ans, il y a toutefois une accélération des tensions, résultat de mécompréhensions dont l’une des plus importantes a été la reconnaissance du génocide arménien par le Parlement français. Sans passer en revue l’historique de la relation, il est clair aussi que la réception, à l’Elysée en mars 2018, d’une délégation des Forces démocratiques syriennes, composées de combattants arabes et kurdes syriens, notamment du PYD organisation soeur du PKK, a contribué à assombrir le climat bilatéral. Nous sommes donc depuis quelque temps déjà dans un durcissement du ton entre les deux capitales. L’affaire de la frégate de la marine nationale qui s’estime avoir été agressée par les forces turques et celle des espions opérant pour le compte de la France ne sont que l’aboutissement de ces années de mauvaise compréhension mutuelle.

Il y a tout de même un point fondamental qui oppose Paris et Ankara dans le dossier libyen. Les positions vous paraissent-elles irréconciliables ?

C’est un fait, la Turquie soutient le gouvernement d’Union nationale (GNA) de Fayed Al-Sarraj, en même temps que les Nations unies. La France, pour sa part, s’est rangée derrière l’Armée de libération nationale du Maréchal Haftar aux côtés des Emirats Arabes Unis, de l’Arabie Saoudite et de l’Egypte. Cela aboutit à une situation bloquée puisque la France, membre du Conseil de sécurité de l’ONU, ne s’aligne pas sur les positions de ce dernier. J’ajoute que la Turquie, depuis janvier, à la faveur d’un texte voté au Parlement, a déployé des mercenaires et ses spécialistes du brouillage des communications, de la surveillance ou encore du pilotage de drones. Ce coup de pouce militaire a modifié le contexte local. Pendant plusieurs semaines, les troupes du Maréchal Haftar ont cédé du terrain . Il semble que depuis quelques jours, la situation se soit stabilisée.

Que faut-il faire, selon vous, pour résoudre la crise libyenne ?

Sachant que, sur le terrain, une victoire définitive de l’un ou l’autre des deux camps n’est pas envisageable, seule une solution politique me paraît possible. L’impulsion doit venir de l’ONU . Avant cela, il faut que la position de la France évolue en même temps que d’autres volets de ce dossier. Par exemple, le poste d’envoyé spécial de l’ONU en Libye, laissé vacant par Ghassan Salamé, n’a toujours pas trouvé de successeur. A mon sens, la partition évoquée par certains n’est pas envisageable. Pour des raisons politiques mais aussi géographiques, car un démembrement de la Libye reviendrait à laisser la maîtrise des hydrocarbures au seul camp qui hériterait de la zone des puits pétroliers. C’est intenable. Seule une solution de compromis doit être mise sur la table.

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