ANALYSES

La Chine est la seule à pouvoir apporter une assistance aux pays qui en ont besoin

Presse
1 avril 2020
Interview de Barthélémy Courmont - LCI
Il y a quelques jours, l’ambassade de Chine a Paris a vanté la gestion « particulièrement performante » de son pays face au Covid-19 ainsi que son « sens de la collectivité qui fait défaut aux démocraties occidentales ». Ce ton professoral de la diplomatie chinoise est-il nouveau ?

Le ton employé n’est pas totalement inhabituel. Voilà trois ou quatre ans que les diplomates chinois relayent ainsi les critiques sur le monde occidental. Il y a toutefois une accélération. Plutôt que de faire la démonstration de sa bonne gestion de la pandémie, la Chine n’accepte plus la moindre critique sur cette gestion. Alors que le Covid-19 s’est déplacé vers l’Occident, non seulement elle refuse qu’on lui donne des leçons, mais elle se met elle-même à en donner.

Est-ce une réponse à des accusations formulées dans les pays occidentaux ?

Oui. On observe depuis quelques semaines une campagne critique sur le nombre de victimes du coronavirus en Chine, au regard notamment du bilan humain en Italie. Il faut reconnaître que ces soupçons ne sont pas fondés et sont assez discutables. La Chine est en position de riposte face à cette campagne visant à atténuer l’image positive qu’elle souhaite se donner. Cette riposte était déjà visible lorsque Donald Trump a parlé de « virus chinois ». On a vu un haut responsable chinois relayer une théorie complotiste selon laquelle le virus aurait été importé par les Etats-Unis. On est dans l’œil pour œil, dent pour dent.

La Chine médiatise fortement l’aide en matériel médical qu’elle envoie dans de nombreux pays. Quel est l’enjeu de cette diplomatie sanitaire ?

Cette stratégie est liée à l’image fortement écornée de la Chine en janvier dernier, lorsque la pandémie semblait totalement hors de contrôle sur son territoire. On a d’abord vu les autorités chinoises reprendre la main en interne, notamment en sanctionnant des cadres locaux à Wuhan. Aujourd’hui, alors que le virus régresse sur son territoire, elle s’engage dans une stratégie internationale. Il s’agit de montrer que la Chine a les clés pour aider les autres pays. Il est désormais possible de lui acheter du matériel. La Chine est le seul pays vraiment capable d’apporter une assistance aux pays qui en ont besoin. Elle vient de le faire auprès de 54 pays africains.

Quel est son objectif ?

La Chine agit plus par nécessité que par choix. Elle a besoin d’une remondialisation. Il faut que les économies développées sortent de la crise au plus vite, il en va de la bonne santé économique du pays. Par ailleurs, Pékin a pris l’habitude, dans son bras de fer avec les Etats-Unis, de profiter des faiblesses de ces derniers pour surjouer le rôle du vainqueur. Cela est d’autant plus vrai que les Etats-Unis vont devoir se replier, pris dans de nombreuses difficultés. Même si la situation économique reste très difficile en Chine, elle va tenter de reprendre la main sur le plan international.

La Chine peut-elle ressortir gagnante de cette crise mondiale ?

Je le crois. Cette crise agit comme un accélérateur de tendances qui étaient déjà amorcées : l’isolement et un certain déclin des Etats-Unis, en perte d’influence sur la scène internationale, l’Union européenne encore plus fragilisée, confrontée à ses difficultés à travailler ensemble, et une Chine encore plus forte. En outre, et j’insiste sur ce point, la Chine va conforter son image auprès des pays en développement qui vont avoir besoin de son aide pour faire face à la pandémie. Elle pourra se servir de ce succès pour s’ériger en modèle dans ces pays.

 

Propos recueillis par Vincent Michelon
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