ANALYSES

Lutte contre le coronavirus : « Personne n’a la volonté de faire les choses dans son coin »

Presse
11 mars 2020
Interview de Anne Sénéquier - La Croix
Pourrait-on aider l’Italie aujourd’hui à lutter contre l’épidémie de coronavirus ?

Anne Sénéquier : L’Italie a actuellement le plus fort taux d’incidence au niveau mondial, c’est-à-dire que c’est le pays qui compte le plus de cas nouveaux chaque jour. Le nord de l’Italie n’est pas sous-équipé du point de vue hospitalier, notamment en termes de respirateurs dans les services de réanimation. Simplement, le nombre de personnes nécessitant aujourd’hui ces équipements est anormalement élevé.

Prêter des équipements depuis des hôpitaux français paraît aujourd’hui risqué, alors que l’on s’attend sur le territoire national à passer en stade 3 de circulation active du virus. Transporter des malades italiens dans un autre pays n’est pas non plus réaliste, car ce transport est délicat et cela poserait la question d’un risque épidémique dans le pays d’accueil. En revanche, on pourrait imaginer à l’avenir bâtir un centre d’urgence sanitaire à l’échelon européen, comme cela existe par exemple pour les incendies de forêts. Il centraliserait des matériels comme des masques et des compétences.

Comment jugez-vous la réponse mondiale ?

Dès le 9 janvier, la Chine a signalé qu’elle avait identifié un nouveau virus à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cela a permis d’organiser la riposte notamment en identifiant les premiers cas contacts. La Chine a accepté que du personnel de l’OMS vienne sur place pour évaluer sa réponse. Personne n’a la volonté de faire les choses dans son coin. Les ministres de la santé européens, par exemple, se retrouvent régulièrement.

L’expérience de l’épidémie de SRAS en 2003, a permis d’améliorer les réponses. Un système d’alerte a été mis en place au niveau Asie-Pacifique. Il détecte par semaine une moyenne de deux émergences de virus ! En outre, la majorité des États a signé un règlement sanitaire international, mis en place par l’OMS. Il permet de coordonner les réponses aux épidémies.
Bien sûr, il faut aussi compter avec le facteur humain, c’est-à-dire avec les peurs des gens. Elles peuvent les conduire à ne pas suivre les mesures de prévention, notamment en matière de confinement.

Doit-on se préparer à connaître de plus en plus d’épidémies ?

Tout à fait. Il y a aura d’autres épidémies de maladies émergentes qui n’existaient pas avant et qui sont transmises à l’Homme par le monde animal. Cela a été le cas avec Ebola, le HIV, le SRAS. Cette émergence s’explique notamment par les déséquilibres de nos écosystèmes et la hausse des résistances aux bactéries.

Citons deux exemples : le fait de repousser la frontière des forêts tropicales a multiplié les contacts entre la faune sauvage et les Hommes ; la population urbaine est majoritaire sur terre depuis 2007, mais il y a de plus en plus d’urbains, en périphérie des villes émergentes, qui vivent dans leurs arrières cours avec des animaux, comme des volailles ou des porcs, et qui sont en contact quotidien avec eux.

Face à ces risques, les vaccins doivent s’attaquer à des bactéries rendues plus résistantes par l’utilisation d’antibiotiques de troisième génération. On peut aussi évoquer les antibiotiques utilisés dans l’élevage intensif et les nouvelles bactéries hautement résistantes (BHRE) qui transmettent leurs résistances à d’autres bactéries.
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