ANALYSES

« Le principal atout de Michael Bloomberg, c’est sa fortune »

Presse
20 février 2020
Interview de - Le Figaro Vox
Michael Bloomberg a été violemment attaqué pendant le débat de la nuit dernière. Ce débat risque-t-il selon vous de miner la dynamique de sa campagne ?

Cela est difficile à dire. Tous les candidats se sont en effet ligués contre Michael Bloomberg cette nuit et il n’a manifestement pas été au plus haut de sa forme. On remarque cependant que les recherches Google sur Michael Bloomberg au moment du débat ont été exponentielles, ce qui pourrait alimenter toujours plus la machine en sa faveur. Sa campagne repose sur de grandes campagnes publicitaires et son appareil publicitaire tourne aujourd’hui mieux que jamais. Immédiatement à la fin du débat, un clip vantant la capacité de Michael Bloomberg à battre Donald Trump, est sorti. Et il faut reconnaître que son immense fortune pourrait être un grand atout s’il est investi par le Parti démocrate. On peut le regretter mais la grande majorité des Américains qui votent pour lui le font car Bloomberg a les moyens financiers pour terrasser Donald Trump.

Le débat a également été marqué par une altercation musclée entre Pete Buttigieg et Amy Klobuchar. Le Parti démocrate apparaît traversé par des fractures idéologiques qui semblent irréconciliables. Se remettra-t-il de cette primaire ?

En effet, le Parti démocrate me semble être le grand perdant de cette soirée de débat. Les divisions entre les différents candidats apparaissent à leur paroxysme et cela dépasse largement le cas de Michael Bloomberg. L’altercation que vous mentionnez entre Amy Klobuchar et Pete Buttigieg que vous mentionnez – ce dernier ayant voulu se venger de la sénatrice du Minnesota en raison des propos qu’elle avait tenus avant le débat du New Hampshire – est désastreuse pour eux comme pour le parti. Les différents candidats démocrates sont incapables de construire un projet commun pour le pays et de sortir de l’ad hominem.

Il faut noter par ailleurs que Bernie Sanders a clairement attaqué les règles instaurées par le Parti démocrate pour cette primaire, mettant en avant le problème soulevé par le poids des «super-délégués» à la Democratic National Convention de juillet 2020. Ces «super-délégués» n’interviendront qu’au deuxième tour. Bernie Sanders a donc manifestement intégré le fait qu’il ne gagnera pas ces primaires au premier tour et que la Convention sera contestée. Or tous les analystes estiment qu’il sera très minoritaire chez les super-délégués (les progressistes radicaux ne pesant que 45% de l’électorat et étant très marginaux dans l’establishment du parti) et donc qu’il n’a aucune chance d’être investi par le Parti démocrate face à Donald Trump. Tous les éléments sont donc réunis pour que les tensions explosent, à l’image du débat de cette nuit qui a mis à nu les fractures dans le parti.


Vous faites depuis longtemps le pari que Joe Biden va être investi par le Parti démocrate puis remporter l’élection présidentielle. Comment expliquez-vous les deux larges défaites qu’il a subies ainsi que l’absence de dynamique de sa campagne ?


Pour l’instant, rien n’a changé dans mes prévisions. Il n’y a eu que deux scrutins – l’Iowa et le New Hampshire- qui ne représentent en rien la diversité américaine. Par ailleurs, on a aucune idée de l’issue de la primaire dans le Nevada. Celle-ci se déroule sous forme de caucus et les sondages téléphoniques ne sont absolument pas fiables dans cet État largement peuplé de saisonniers, ce qui rend les prédictions très difficiles. En Caroline du Sud, un seul sondage met Sanders et Biden à égalité tandis que les autres études d’opinion placent l’ancien vice-président en tête. Par ailleurs, au niveau national, on remarque certes que Sanders est en tête des préférences de l’électorat démocrate, mais Biden demeure en tête en matière de chances de victoire face à Donald Trump.

Je maintiens donc mon pronostic, d’autant plus que si l’on va au deuxième tour à la Convention en Juillet Joe Biden sera probablement le meilleur recours de l’establishment. Bloomberg est en effet trop controversé tandis que Klobuchar et Buttigieg ne pèsent pas suffisamment au niveau national et ne parviennent pas à rassembler.


Donald Trump n’est-il pas pour l’instant le grand gagnant de cette primaire démocrate?


Le président américain a cherché hier soir à faire de l’ombre aux démocrates en tenant, parallèlement au débat, un discours à Phoenix. De nombreux indicateurs, sur l’économie comme sur sa popularité personnelle, lui sont actuellement très favorables. Il marque de nombreux points et s’en vante. Son discours repose sur l’idée que le Parti républicain serait uni et au travail pour l’intérêt général, tandis que les démocrates se contenteraient de s’entre-déchirer. Il est difficile de lui donner tort sur ce point, et cette tactique porte pour l’instant ses fruits auprès de l’opinion. Donald Trump crédibilise ainsi sa stature présidentielle et présidentiable et peut à l’heure actuelle envisager l’avenir avec sérénité.

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