ANALYSES

« L’absence de majorité démocrate au Sénat rend impossible une destitution du président »

Presse
23 mai 2019
Interview de Marie-Cécile Naves - La Croix
Mercredi 22 mai, la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi a déclaré que Donald Trump était « engagé dans une opération de dissimulation ». Celui-ci a répliqué par une série de déclarations vengeresses. Comment expliquer cette nouvelle hausse des tensions ?

Le rapport Mueller (du nom du procureur spécial Robert Mueller. Il devait statuer sur des soupçons de collusion entre Donald Trump et la Russie, NDLR) n’est pas complètement enterré et réapparaît à intervalle régulier. Ses conclusions n’ont pas été digérées par les démocrates.

Ces derniers sont tiraillés entre deux idées : se concentrer sur les prochaines élections ou ne pas laisser tomber l’hypothèse de l’obstruction à la justice, qui apparaît sur le papier comme un motif pour destituer Donald Trump. C’est en effet un point sur lequel le rapport Mueller ne conclue pas. Il ne peut pas le prouver mais ne blanchit pas le président pour autant.

Les démocrates ont-ils intérêt à déclencher une procédure de destitution ?

Déclencher une procédure de destitution ne jouerait pas du tout en faveur des démocrates et ce, pour trois raisons. Tout d’abord, l’absence de majorité démocrate au Sénat rend impossible tout vote pour une destitution. Ensuite, enclencher une telle procédure nécessite du temps.

Or, le délai est très court jusqu’à la prochaine élection présidentielle en 2020. Enfin, cette procédure risquerait de galvaniser les partisans de Donald Trump. Le président s’en servirait pour se poser en victime et alimenter un storytelling en clamant par exemple : « regardez, le rapport Mueller ne me condamne pas mais je suis quand même victime d’une chasse aux sorcières ! ».

Que peut-il se passer dans les mois à venir ?

Le pire scénario pour Donald Trump serait justement que les démocrates arrivent à prouver qu’il y a obstruction et convainquent ensuite des Républicains de voter au Sénat contre le président. Mais je n’y crois pas trop. Les démocrates vont continuer leurs enquêtes parlementaires et les commissions pour tenter d’établir un lien entre Donald Trump et l’enquête russe.

Il ne faut pas oublier que Donald Trump ne fait pas seulement l’objet d’une enquête dans le rapport Mueller. Il est aussi visé par d’autres enquêtes sur des conflits d’intérêts ou concernant sa situation fiscale, par exemple. Pour les Démocrates, un des plus gros risques serait qu’ils s’affaiblissent en se divisant sur la marche à suivre. Donald Trump joue d’ailleurs de ces divisions et n’hésite pas à souffler sur les braises.
Sur la même thématique