ANALYSES

France-Chine : le temps des anicroches ?

Presse
6 mai 2019
Le 27 avril, deux messages chinois concomitants sont émis à l’intention de la France. À Pékin, Wang Yi, ministre des Affaires étrangères, conseille à Paris, représenté par son homologue Jean-Yves Le Drian, de passage, de « chérir ses relations anciennes et acquises de longue lutte » et d’« éviter les entraves ».

Quelques heures plus tôt, sur le site de l’ambassade de Chine en France, une anecdote étrange est rapportée, en langue chinoise uniquement : en France, des touristes chinois se seraient fait voler leurs portefeuilles et la vigilance s’impose. Ce genre de message ne passe pas inaperçu, alors que les touristes chinois ont encore battu leur record en nombre (2,2 millions) l’an dernier en France. Il s’agit d’un revenu important pour le secteur touristique. Et donc, aussi, d’un moyen de pression.

Ces deux faits ont-ils un lien avec le passage sur le détroit de Taïwan, le 6 avril, de la frégate de la marine nationale, le Vendémiaire ? On peut l’imaginer. D’autant que, à cause de ce mini-incident, ladite frégate, en route vers la Chine pour une revue internationale, ne s’y est finalement pas rendue.

Ce n’est pas la première fois qu’un navire français passe le détroit de Taïwan. Mais Pékin est devenu sensible à tout ce qui concerne l’île rebelle qu’elle considère comme une province chinoise. Or, Taïwan, fort de son système démocratique, entrera bientôt en campagne présidentielle et Pékin entend peser de tout son poids. Il s’agit aussi d’un message nationaliste à l’intérieur des instances chinoises. Pas question de céder sur les revendications territoriales.

Rester unis

Pourtant, la France n’a fait que respecter le droit international de la mer et n’a rien à se reprocher. Mais si l’on rapporte cet incident à la politique chinoise d’Emmanuel Macron, on ne peut qu’être saisi par la fermeté de Paris face aux ambitions hégémoniques chinoises. Qu’il s’agisse de l’Afrique, où la Chine a supplanté la France comme partenaire du continent ; de l’Asie-Pacifique, où elle tolère de moins en moins la présence de puissances occidentales – même si elle a ouvert un consulat à Papeete, sur le sol français ; ou de l’Europe, où les entreprises d’État chinoises ont multiplié les acquisitions dans les infrastructures et la technologie, Paris martèle le message de la réciprocité (le marché chinois n’étant pas suffisamment ouvert aux entreprises hexagonales) et de l’unité européenne.

Lors de sa visite à Paris en mars, le président Xi Jinping a finalement rencontré non seulement son homologue français mais aussi la Chancelière allemande Angela Merkel et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Ce format inhabituel, accepté du bout des lèvres par la Chine, n’est pas dans la nature des choses pour une Chine qui favorise les échanges bilatéraux avec les grands pays de l’UE, y compris la France, premier pays européen à avoir établi des relations diplomatiques avec la République populaire en 1964.

Lorsqu’elles travaillent ensemble, France et Allemagne pèsent relativement lourd dans un Occident assoupi depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. Mais plus souvent, les deux pays européens ont leurs propres intérêts à défendre : pour Berlin, l’économie et le maintien d’échanges commerciaux bilatéraux équilibrés avec la Chine ; pour Paris, un siège de membre permanent à l’Onu, une influence dans le Pacifique et un message vis-à-vis des Européens… Dialoguer avec la Chine oui, mais rester unis et vigilants face aux ambitions hégémoniques de cette dernière. Et c’est bien cette ligne qui semble commencer à contrarier Pékin.
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