ANALYSES

« L’opposition ne souhaite pas le dialogue, elle veut l’élimination de Maduro »

Presse
24 janvier 2019
Interview de Christophe Ventura - Les Echos
Le coup de force de Juan Guaidó sonne-t-il la fin du règne de Nicolás Maduro ?

Il est trop tôt pour le dire. A ce stade, plusieurs hypothèses sont possibles, toutes envisageables. Le scénario le plus brutal est évidemment celui d’un basculement dans la guerre civile. Une éventualité que personne ne souhaite, mais qui reste tout à fait probable si la logique de l’escalade persiste. L’autre idée est une intervention militaire. Si l’armée reste loyale à Nicolás Maduro, un tel scénario a moins de chances de se jouer. La troisième option évoquée par le Mexique et l’Uruguay consisterait à rétablir le dialogue entre le gouvernement et l’opposition, sans changement de régime. A ce stade, ce n’est pas l’idée dominante. Il y a aussi cette petite musique qu’on entend venir d’Europe (Espagne, Portugal, Pays Bas), celle qui propose la tenue de nouvelles élections. A ce niveau de tensions, cela n’est guère envisageable car avant d’organiser un nouveau scrutin, il faut un minimum de dialogue. Or, ni Maduro, ni Guaidó n’y sont prêts pour le moment. L’opposition ne souhaite pas le dialogue, elle veut l’élimination de Nicolás Maduro. Il ne faut pas sous-estimer l’influence du temps. Il peut agir en faveur de ce dernier car le chef de l’Etat se trouve face à une opposition qui a déjà abattu beaucoup de ses cartes.

De quels leviers disposent les pays étrangers pour accélérer le mouvement de destitution ?

Les opposants au régime chaviste vont attendre de voir quel soutien la population leur accorde. Ce sera un premier test important qui permettra notamment aux pays qui soutiennent Juan Guaidó de mesurer sa capacité à mobiliser le peuple. Au-delà, on peut imaginer une opération de déstabilisation, mais là encore il faut le soutien de l’armée, ou du moins d’une partie d’entre elle. Ce qui est sûr, c’est que Donald Trump ne s’interdit rien. Quitte à être accusé d’ingérence dans les affaires intérieures du pays. C’est d’ailleurs l’argument mis en avant par Andrés Manuel López Obrador, le nouveau président du Mexique qui a pris ses distances avec les dernières orientations du Groupe de Lima.

Dans leur quête pour asseoir leur pouvoir, Maduro et Guaidó font-ils jeu égal ?

Le Venezuela est aujourd’hui un pays en rupture qui ne fonctionne plus de façon rationnelle. Il y avait jusqu’à présent deux pouvoirs législatifs – l’Assemblée nationale constituante et l’Assemblée nationale -, il y a maintenant deux présidents et donc deux pouvoirs exécutifs qui clament leur légitimité respective. Nicolás Maduro bénéficie du pouvoir de l’Etat, de celui de l’exécutif, de l’armée, de la police et des municipalités de sa majorité. Il a de solides bases sociales puisque les partisans du chavisme représentent une partie importante de la population. Ces derniers peuvent se montrer critiques mais ne veulent pas de l’opposition au pouvoir.
Juan Guaidó a pour lui de renouveler le visage de l’opposition. C’est très important car, pas plus tard que fin décembre, les dirigeants historiques étaient impopulaires, avec seulement 25 % d’avis favorables. Propulsé nouveau fer de lance de l’opposition, il incarne une ligne rénovée et s’appuie sur l’Assemblée nationale dont il est le président. Il a surtout le soutien de la communauté internationale en tête de laquelle Donald Trump. C’est son principal atout.
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