ANALYSES

«La décision du Qatar est économique pour l’essentiel »

Presse
4 décembre 2018
Le Qatar justifie sa décision de se retirer de l’OPEP par son besoin de se concentrer sur la production du gaz. Cet argument est-il crédible ?

Oui, c’est crédible. Il s’agit effectivement d’une décision économique et pas politique pour l’essentiel. Le Qatar est un petit producteur (600 000 barils par jour pour le brut) et exportateur de pétrole et un gros producteur et exportateur de gaz naturel. Le Qatar est aussi le premier producteur et exportateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL).

Le choix stratégique du pays est de se concentrer sur les développements gaziers dans le moyen et le long termes, alors que l’OPEP ne s’occupe depuis le début que du pétrole brut. De plus, le poids du Qatar au sein de l’organisation est très faible puisque sa production de brut ne représente que moins de 2% de celle de l’OPEP, qui est actuellement de 33 millions de barils par jour environ.

Cela dit, je n’exclus pas que les différends très vifs entre le Qatar, d’une part, et l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, d’autre part (deux autres membres de l’OPEP), aient joué un rôle dans cette décision, même si les autorités qataries le nient. Mais, en tout état de cause, ce n’est pas l’essentiel de ce dossier.

Comment interpréter le fait que la décision du Qatar intervienne à l’approche d’une réunion décisive des producteurs de pétrole ?

Le choix d’annoncer une telle décision peut obéir à des impératifs politiques et de communication qui sont propres au Qatar. Mais le pays a indiqué qu’il participerait à la réunion de la conférence de l’OPEP à Vienne, dans quelques jours, et qu’il appliquerait la décision qui sera prise. Le Qatar pourrait venir gonfler les rangs des pays non OPEP, qui coopèrent avec l’organisation depuis la fin 2016 et qui sont au nombre de dix actuellement.

Quelles conséquences pourrait avoir cette décision sur l’avenir de l’OPEP et sur la tenue des prix du pétrole ?

L’impact sur le marché et sur les prix du pétrole sera faible du fait du poids très réduit du Qatar en termes de production et d’exportation de brut. La production pétrolière mondiale est de l’ordre de 100 millions de barils par jour actuellement et la part du Qatar est donc inférieure à 1% de cette production. On constate d’ailleurs une certaine remontée des prix depuis la fin de la semaine dernière du fait de l’accord entre l’Arabie Saoudite et la Russie sur le front pétrolier et de l’accord commercial entre les Etats-Unis et la Chine.

Ce n’est pas un grave échec pour l’OPEP, mais le départ d’un pays qui en était membre depuis 1961, soit un an seulement après la création de l’organisation, ne doit pas passer inaperçu. Il appartient à l’Organisation de se poser les bonnes questions et de veiller à ce qu’elle continue à répondre à l’avenir aux besoins de l’ensemble de ses pays membres, y compris les petits producteurs.
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