ANALYSES

Va-t-on vers une organisation européenne national-populiste ?

Presse
8 octobre 2018
Interview de Jean-Yves Camus - La Croix
« La coordination des nationalistes européens existe depuis longtemps. Au parlement européen, l’Europe des nations et des libertés (ENL) réunit déjà la Française Marine Le Pen, le Hollandais Geert Wilders et l’Italien Matteo Salvini. Néanmoins, depuis les années 1980-1990, les choses ont changé. Les partis d’extrême droite au gouvernement sont plus nombreux, ils ont changé d’attitude. Il y a vingt ans, le leader autrichien du FPÖ, Jorg Haider, n’était pas très enclin à s’afficher avec le Front National. En 2016, son remplaçant Heinz-Christian Strache invitait Marine Le Pen à participer à son « Printemps patriotique ». Une manière de gagner en crédibilité nationale et une visibilité internationale. Depuis, le centre de gravité des nationalistes européens a basculé au sud. C’est aujourd’hui aux côtés de Matteo Salvini que l’on cherche à poser, sur les photographies. C’est une affaire de génération, de charisme, mais aussi de géographie, alors que l’Italie est une des portes d’entrée des migrants.

L’autre nouveauté, c’est le renouvellement des thématiques partagées. Hier à Rome, Marine Le Pen et Matteo Salvini se sont rencontrés au siège de l’UGT, un syndicat proche de la Ligue, pour parler « croissance économique et perspective sociale dans une Europe des nations ». C’est surtout intéressant pour le Rassemblement national (RN) qui, du temps du FN, n’a jamais réussi à lancer une organisation capable de trouver une reconnaissance aux élections professionnelles. Il s’agit de regarder ce qui se fait ailleurs pour passer du discours à l’action sur le social.

Il reste néanmoins du chemin à parcourir avant d’assister à une organisation paneuropéenne des partis nationalistes. Les sujets de divergences sont nombreux, comme l’appartenance à l’euro et à l’Union européenne, où la palette des nuances est difficilement compatible. Les pays nordiques ne veulent pas être associés au RN ou à la Ligue. Les « Démocrates de Suède », ont collaboré avec le FN dans les années 1990, mais ils volent à présent de leurs propres ailes. Le Parti populaire danois ou les Vrais Finlandais n’ont jamais siégé au parlement européen aux côtés du FN, mais plutôt auprès des eurosceptiques. D’autres populistes au pouvoir, Viktor Orban en Hongrie ou Jarosław Kaczyński en Pologne, ne tiennent pas non plus à s’affilier à l’extrême droite, ni à l’AFD en Allemagne, ni au Rassemblement national en France.

À défaut d’une majorité au parlement européen, les nationalistes espèrent atteindre aux prochaines élections une minorité de blocage, pour mettre à mal le processus de nomination des commissaires. Leur combat commun est de déconstruire l’Europe d’aujourd’hui et de rétablir la souveraineté des nations. Mais au-delà de l’envie de renverser la table, je ne vois pas émerger un modèle alternatif. »

Propos recueillis par Jean-Baptiste Françoispour La Croix
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