ANALYSES

OPEP et non-OPEP

Presse
25 septembre 2018
Le baril est aujourd’hui à son plus haut niveau. Pensez-vous que c’est l’effet immédiat de la réunion d’Alger qui, pourtant, visait la stabilité du marché ?

Le 24 septembre, le prix du Brent de la mer du Nord était de l’ordre de $80-81 par baril, soit le niveau le plus élevé depuis la fin 2014. Il y a certes eu une hausse supplémentaire après la fin de la réunion du comité ministériel conjoint de surveillance OPEP/non-OPEP (JMMC en anglais) le 23 septembre à Alger. Mais le prix du Brent frôlait déjà les $80/b dans les derniers jours. Certains s’attendaient à une annonce de l’OPEP et des pays non-OPEP sur une hausse de leur production mais ils ont oublié que la réunion d’Alger n’avait pas un caractère décisionnel. Cette absence de décision a fait encore un peu monter les prix du brut mais cette attente n’était absolument pas justifiée. La Conférence de l’OPEP se tiendra au début décembre et pas avant.

Les prix sont sur une tendance haussière depuis plusieurs mois car la consommation pétrolière mondiale augmente, les exportations de l’Iran sont en train de chuter du fait du prochain rétablissement des sanctions des Etats-Unis et le Venezuela continue à s’enfoncer dans la crise.

Les membres de l’OPEP et non OPEP n’ont pas cédé à la pression de Donald Trump ? Quelle est votre opinion sur la réunion d’Alger et quels sont effets immédiats attendus sur le marché du pétrole ?

Les pays réunis à Alger ont fait leur travail. Cela consistait notamment à étudier l’évolution du marché pétrolier mondial, qui est actuellement bien équilibré. Il ne s’agissait pas de prendre des décisions car cela ne relève pas de la compétence du JMMC. Le président Trump n’est manifestement pas très au courant des mécanismes de gouvernance de l’OPEP. Il est vrai que, pour lui, l’essentiel est de communiquer avec l’opinion publique américaine et, en particulier, avec son électorat.

L’un des éléments les plus importants dans ce qui vient de se passer à Alger est lié aux déclarations du ministre saoudien de l’Energie qui a été très prudent et a jugé improbable une prochaine hausse de production. Venant du plus important producteur de l’OPEP, du premier exportateur mondial de pétrole brut et d’un grand allié des Etats-Unis, ces propos ont et auront un impact haussier.

Quelles sont vos prévisions sur le marché jusqu’à la fin de l’année ? Pensez-vous que réellement le prix du baril entre 70 et 80 dollars est un bon compromis ?

Le marché pétrolier est actuellement bien équilibré. Il y a cependant des inquiétudes pour la fin de l’année. Le monde consomme de plus en plus de pétrole et l’Iran et le Venezuela en produisent de moins en moins. Le point clé est l’Iran. Suite aux menaces américaines, qui sont efficaces, les exportations de brut de l’Iran ont probablement baissé de 700 000 barils par jour entre avril 2018 et la mi-septembre. Et, même si de nombreuses incertitudes subsistent, une chose est sûre : la chute n’est pas terminée.

Le paradoxe est que les Etats-Unis sont à la fois un problème et une solution. Leurs sanctions font chuter la production et les exportations pétrolières de l’Iran et, en même temps, leur production nationale continue à augmenter grâce au pétrole non conventionnel. Ce pays est devenu un important exportateur de pétrole.

Il est exact que, dans le contexte pétrolier, politique et économique actuel, des prix du pétrole de l’ordre de $70-80/b sont un bon compromis entre les intérêts des grands acteurs du jeu pétrolier mondial. Mais, pour les raisons indiquées ci-dessus, on est aujourd’hui dans le haut de cette fourchette de prix et il est possible que nous allions au-delà.

On parlait, il y a quelques années, de l’agonie de l’OPEP. Après la réunion historique d’Alger, l’organisation s’est ressaisie et s’affirme, comme par le passé, en tant qu’acteur incontournable sur la place du marché pétrolier pour peu que cette union interne et avec les pays non OPEP perdure. Quelle est votre analyse ?

Beaucoup d’observateurs ont enterré l’OPEP un peu trop rapidement. Ils confondaient peut-être leurs désirs avec la réalité. L’organisation existe depuis 1960 et, en 58 ans, elle a traversé beaucoup de crises. La période 2014-2016 a incontestablement été très difficile mais, depuis la réunion d’Alger en septembre 2016, l’OPEP a réussi à retrouver son unité interne, à prendre des décisions sur la réduction de sa production et à s’associer à dix pays non-OPEP. Les succès ont été spectaculaires suite à l’adoption de cette stratégie à la fin 2016.

Cela dit, comme les individus, les organisations sont mortelles. L’OPEP fait face à quelques défis clés et ceux-ci viennent surtout des Etats-Unis: fortes pressions de l’administration Trump, rétablissement des sanctions contre l’Iran, ce qui suscite la colère de Téhéran et contribue à aggraver encore la relation déjà détestable entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, et forte augmentation de la production pétrolière américaine. L’OPEP est effectivement encore un acteur incontournable mais il faudra beaucoup d’efforts et beaucoup d’unité pour le rester dans le moyen et le long terme. Rien n’est jamais acquis définitivement dans ce domaine.
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