ANALYSES

Affaire Brett Kavanaugh : « La procédure de confirmation peut encore aboutir »

Presse
24 septembre 2018
Interview de Marie-Cécile Naves - La Croix
Le New Yorker a publié, dimanche 23 septembre, le témoignage d’une deuxième femme qui accuse d’agression sexuelle le candidat à la Cour suprême, Brett Kavanaugh. Sa première accusatrice, Christine Blasey Ford, devrait être auditionnée jeudi 27 septembre par la commission du Sénat.

La candidature de Brett Kavanaugh est-elle toujours solide ?

Ce week-end, une deuxième femme l’a accusé d’agression sexuelle. Michael Avenatti, l’avocat américain qui défend l’ancienne actrice de film X Stormy Daniels contre Donald Trump, a également laissé entendre qu’il représentait une troisième accusatrice potentielle de Brett Kavanaugh.

La candidature de ce dernier est donc fragilisée, mais la procédure de confirmation peut encore aboutir. Dans cette affaire, il faut rappeler le précédent Anita Hill contre Clarence Thomas en 1991. Elle avait également accusé le juge, candidat de l’époque à la Cour suprême, de harcèlement sexuel. L’affaire avait été très médiatique et la confirmation du juge Clarence Thomas (toujours en fonction) avait été assez mal vue. L’année suivante d’ailleurs, de nombreuses femmes avaient fait leur entrée au Congrès, sous doute en partie en réaction à cette confirmation. C’est un événement fondateur dont se souviennent les Américains : aux États-Unis, les questions sexuelles sont devenues politiques. Reste à savoir si un tel scénario va se reproduire.

Sa confirmation avant le 6 novembre, date des élections de mi-mandat, est-elle possible ?

Le juge Brett Kavanaugh a été auditionné plusieurs fois et, jeudi, c’est son accusatrice, Christine Blasey Ford, qui devrait être entendue par la commission du Sénat. Le processus est encore long, et il n’y aura pas de confirmation immédiate en fin de semaine. L’incertitude demeure d’ailleurs sur une possible confirmation avant ou après les élections de mi-mandat le 6 novembre, voire jamais. Chaque camp pousse dans son sens, car l’intérêt du parti démocrate, c’est de retarder au maximum la procédure.

Pour le parti républicain, l’enjeu est énorme, car après le 6 novembre, deux scénarios s’ouvrent à eux. Il peut certes garder le Sénat, mais rien n’est moins sûr. Il y a quelques semaines encore, le scénario d’un Sénat démocrate était inenvisageable, mais certains sondages récents inversent cette tendance. Or si le Sénat devient démocrate, la situation pourrait être similaire à celle vécue par Barack Obama, chacun de ses choix pour la Cour suprême ayant été rejeté à l’époque par la majorité républicaine au Sénat.

Les Républicains pourraient donc choisir de passer en force, pendant la période entre le 6 novembre et la prise de fonctions du nouveau Sénat en janvier. Un passage en force peu démocratique, qui risquerait d’être mal vu par la population américaine.

Quel est le poids des élections et, surtout, des électeurs, dans cette nomination ?

En ce moment, les enquêtes d’opinion montrent que les Américains suivent ce dossier de près. Ils sont sensibles à ce sujet, un an après #MeToo, ce qui peut influencer la mobilisation de l’électorat féminin démocrate notamment. À l’inverse, cette affaire pourrait renforcer la mobilisation des électeurs républicains conservateurs, qui souhaitent défendre leur président et les idées du juge Brett Kavanaugh. Le lobby des conservateurs chrétiens est d’ailleurs très mobilisé derrière le président.

Mais même si le Sénat reste favorable aux républicains, celui-ci pourrait rester prudent. Les sénateurs, ceux qui remettent leur siège en jeu (un tiers seulement sera renouvelé le 6 novembre prochain, NDLR), tiennent compte de l’opinion publique dans leur circonscription.

Du reste, une nomination (à vie, rappelons-le) à la plus haute juridiction reste importante parce que si la Cour suprême se maintient à huit juges au lieu de neuf, les décisions pourraient être incertaines sur des sujets primordiaux dans la société américaine : les droits des LGBT, des femmes, voire la remise en cause de l’Obamacare. C’est une fragilité institutionnelle potentielle.

Propos recueillis par Justine Benoit pour La Croix
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