ANALYSES

Brexit : « En deux ans, il n’y a pas eu d’avancée »

Presse
9 juillet 2018
Interview de Olivier de France - 20 Minutes
David Davis dimanche, Boris Johnson ce lundi. Que révèlent ces deux démissions ?

Le référendum sur le Brexit a eu lieu il y a deux ans. Pour négocier un accord, il faut d’abord savoir ce qu’on veut négocier. Or, ces deux démissions montrent bien que depuis le vote, le Royaume-Uni n’est pas parvenu trouver une position consolidée sur le sujet. Le pays est plus que jamais divisé entre la frange la plus dure des partisans du Brexit, représentée par Boris Johnson et David Davis, et le tenants d’un Brexit un peu moins dur, représenté notamment par le chancelier de l’Echiquier, le numéro 2 du gouvernement.

Qu’est-ce qui, selon vous, bloque ?

L’objectif est d’essayer de satisfaire les demandes du peuple, qui a été consulté pour cette décision, sans causer de dommages économiques irrémédiable au Royaume-Uni. Cela signifie qu’il faut se préparer à des temps économiques et sociaux relativement difficiles à moyen et long terme, tout en sachant que les conservateurs au pouvoir ont imposé au pays une politique d’austérité depuis plusieurs années. On est donc dans une situation où on demande au peuple d’en faire davantage. Or, le peuple n’a pas voté le Brexit pour des raisons économiques, mais pour des raisons liées aux questions migratoires et idéologiques.

La position de Theresa May est-elle intenable ?

Oui et pour cause. Déjà parce que le Brexit est négocié par une Première ministre qui n’y était pas favorable et a fait campagne pour le maintien dans l’Union européenne. Le numéro 2 du gouvernement a aussi milité pour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne.

En outre, il y a des résistances au sein même du camp du Brexit dur. Mais le camp du Brexit soft se heurte aussi aux priorités idéologiques d’une trentaine de député conservateurs eurosceptiques. Ce qui s’est passé ces derniers jours montre qu’un Brexit soft n’est pas acceptable pour des membres du parti de Theresa May. Enfin, imaginons que le Royaume-Uni ne trouve pas de compromis avec l’Europe. Dans ce cas, il n’y aurait même pas de majorité au Parlement pour soutenir ce scénario dit du «no deal». Brefs, tous les scénarios semblent difficiles à matérialiser.

Mais ces divisions persistent depuis des années au Royaume-Uni et concernent aussi le parti travailliste dont une partie est assez eurosceptique. Si un leader travailliste arrivait au pouvoir dans le cas où des élections générales anticipées étaient convoquée, cela ne résoudrait donc pas forcément le problème.

Le Royaume-Uni doit sortir de l’Union européenne le 29 mars prochain. Le pays sera-t-il prêt ?

La situation est compliquée à la base puisque le Royaume-Uni veut conserver les avantages liés à la libre circulation des capitaux et des services mais il n’accepte pas la libre circulation des personnes, car cela implique d’accepter l’immigration, ce que le parti conservateur ne souhaite pas. Par ailleurs, la question de l’Irlande du Nord est quasiment inextricable. Si on veut respecter la date du 29 mars, choisi par le Royaume-Uni lui même – il faut que tout soit ficeler d’un point de vu politique d’ici octobre, puis traduit en droit. Enfin, il faudra obtenir un accord des pays membres et du Parlement européen. Ce n’est pas une mince affaire. Or, les chances de pouvoir trouver un accord d’ici octobre s’amenuisent alors qu’elles devraient augmenter.

En effet, aucune solution concernant l’Irlande du nord n’a été trouvée. De plus, le compromis proposé par Theresa May avait déjà été refusé par l’Union européenne il y a bien longtemps. Et maintenant, il y a ces deux démissions. Cela montre bien qu’en deux ans, il n’y a pas eu d’avancée. Mais on a même l’impression désormais de reculer puisque l’exécutif britannique commence à se diviser au point que des gens commencent à démission. Cela sera donc de plus en plus compliqué de respecter les délais.
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