ANALYSES

90% de popularité chez les Républicains : mais qui comprend vraiment le phénomène Donald Trump ?

Presse
26 juin 2018
Interview de - Atlantico
Dans un contexte pourtant extrêmement tendu relativement à la question de l’immigration et aux cas de séparations de familles, Donald Trump affiche un niveau de popularité proche de 45%, ainsi qu’une impopularité qui a atteint son niveau le plus bas depuis avril 2017 (51%- RealClearPolitics). De plus, selon un sondage Gallup datant du 18 juin dernier, Donald Trump bénéficie du soutien de 90% des électeurs républicains. Ne peut-on pas voir ici un signe flagrant du décalage existant entre les commentateurs politiques aux Etats Unis et les électeurs ?

Les sondages indiquent en effet que l’extrême nervosité autour de la problématique de l’immigration n’a pas beaucoup troublé les Américains : il n’y a eu strictement aucun mouvement ni à la hausse ni à la baisse concernant la cote de popularité du président. La côte d’impopularité, en revanche a poursuivi une décrue qui était déjà largement entamée depuis plusieurs semaines. En ce début de semaine, il n’y avait plus en effet que 51% des Américains à ne pas apprécier la politique suivie par Donald Trump.

Cela ne veut pas pour autant dire qu’il y a une grande adhésion à ce que propose Donald Trump en matière de régulation de l’immigration : un autre sondage Gallup, publié en fin de semaine dernière par le New York Times, révèle au contraire que 75% des Américains estiment que l’immigration est plutôt une chance pour le pays et qu’ils croient qu’il faut maintenir la tradition d’accueil sur laquelle le pays s’est construit. S’il n’est pas étonnant de lire dans cette enquête que 85% des démocrates pensent ainsi, on est toutefois plus surpris en découvrant qu’ils sont 65% à partager aussi cet avis dans les rangs républicains. Chacun comprend que cette main d’œuvre bon marché est absolument indispensable à l’économie du pays et que le prix de bon nombre de produits, à commencer par ceux des fruits et légumes, exploserait si le courant migratoire était effectivement stoppé.

Tout ceci étant posé, il reste tout de même un mystère Trump : pour la première fois dans l’histoire US, ce président ne connait aucune fluctuation de sa popularité en fonction des événements. Plus étonnant : il n’y a pas de baisse qui serait logique au bout de plusieurs mois de pouvoir, qui correspondrait à une lassitude pour les uns ou une impatience pour les autres. Rien de tout cela et le président des Etats-Unis garde un capital absolument intact : 90% des républicains lui restent fidèles ; en réalité, c’est presque 10% de plus qu’il y a un an, quand 80% d’entre eux disaient l’apprécier et que 96% de ceux qui avaient voté pour lui assuraient qu’ils referaient le même vote sans hésiter.

Les observateurs continuent à commenter les événements en pensant que la dramatisation va entrainer dans leur sillage une foule de mécontents : ils n’ont souvent pas compris qu’on en n’est plus là et que, pendant sa campagne, Donald Trump a fait plus que d’attirer à lui des suffrages : il a fabriqué des fans. Ceux qui le soutiennent ne démordent pas de leur choix, tout comme ceux qui le combattent le font par tous les moyens, d’ailleurs. C’est une stratégie qui a l’avantage de maintenir un état d’opposition forte entre les deux groupes et qui relance sans cesse l’attachement de la base à leur leader : à chaque fois qu’il est attaqué, ses électeurs se sentent attaqués également et se concentrent sur sa défense, principalement sur les réseaux sociaux

Quelles sont les raisons qui peuvent expliquer la bonne tenue actuelle de Donald Trump dans les sondages et particulièrement la baisse de son impopularité ?

On voit que la cote de popularité ne bouge pas. Cela s’explique par cette difficulté que beaucoup d’électeurs ont à admettre qu’ils sont satisfaits de Donald Trump. En revanche, ils sont de plus en plus nombreux à ne plus dire qu’ils sont franchement hostiles ou mécontents. La première explication, qui est la plus évidente vient des bons résultats économique, que les républicains ne cessent de mettre en avant : et c’est vrai que la baisse spectaculaire du chômage, la reprise de la croissance et la baisse généralisée des impôts ont eu raison de beaucoup de réserves et de réticences.

Dans la même veine, il y a aussi le constat que la cataclysme annoncé ne s’est pas produit : beaucoup se sont d’abord réfugiés dans le front du refus à cause d’un sentiment de peur, largement suscité par la campagne qui avait été très violente et très en deçà de ce que le débat démocratique méritait. Les électeurs n’aiment pas être bousculés et ils ont été nombreux à se laisser convaincre que Donald Trump allait apporter le chaos au pays et donc à eux-mêmes. Après plusieurs mois de présidence, l’homme fait beaucoup moins peur et les Américains se sont habitués à lui, à son style, à ses revirements et à ses tweets.

Il y a aussi l’idée que Donald Trump « fait ce qu’il a promis », qu’il parle fort et que ça marche, ou qu’il est un négociateur hors pair, courageux ou qui ne lâche rien. Tout cela a fait du chemin dans l’esprit de beaucoup d’Américains. C’est un peu le corolaire de cette catastrophe annoncée qui n’est pas arrivée : aujourd’hui les électeurs pourraient se laisser convaincre par la communication bien huilée de la Maison-Blanche ou du Parti républicain, et grossir les rangs des trumpistes.

Enfin, la stratégie dans laquelle s’est lancée le parti démocrate dès le départ, à savoir une opposition totale et sur tous les sujets, finit par lasser nombre d’électeurs, qui préfèreraient que les élus se consacrent à l’amélioration de leur sort. Il y a là un vrai signal d’alarme que les ténors du parti ont bien compris : ils réclament d’ailleurs que tous les candidats issus de leur rang cessent de réclamer un Impeachment, que certains brandissent comme une menace en cas de victoire : car cela semble avoir un effet fédérateur contre les démocrates, c’est-à-dire le contraire de l’effet recherché.

Au regard de ces sondages, comment peut-on anticiper les résultats des élections à mi-mandat ?

La nature conflictuelle des rapports qui lient ou repoussent par rapport à Donald Trump fait que sa popularité ne monte que très doucement : la société est désormais très divisée, plus qu’elle ne l’a certainement jamais été et il est très difficile à un individu de « changer de camp ». La nervosité est même devenue extrême, comme les récentes attaques contre des proches du président qui ont été empêchés de diner dans un restaurant nous le montre : Kirstjen Nielsen, la ministre à la sécurité nationale, Stephen Miller, un proche conseiller du président ou Sarah Sanders, sa porte-parole, se sont tous les trois vus refuser le droit de passer une soirée tranquille au restaurant. Ce sont des épisodes totalement inédits dans la vie politique américaine qui peuvent inquiéter. Ils renforcent pourtant l’idée que la bonne tenue de Donald Trump dans les sondages repose sur une adhésion de plus en plus réelle, mais si certains refusent encore de l’avouer aux sondeurs.

C’est une donnée qui commencent à apparaître de plus en plus clairement comme une évidence à la plupart des analystes, et qui a provoqué un changement assez brutal dans les commentaires et dans les prospectives pour les élections de mi-mandat : alors que la plupart promettaient un raz-de marée démocrate (la vague bleue) pour novembre, ils sont de plus en plus rares à oser continuer à l’annoncer aujourd’hui.

On a vu que, lors des primaires qui sont déjà bien entamées, les électeurs républicains ont plébiscité des candidats pro-Trump et durement éconduit ceux qui s’étaient montrés critiques envers le président des Etats-Unis, même si les critiques venaient d’élus fortement implantés.

Mark Sandford, en Caroline du Sud, est un exemple de cette déroute pour certains de ces anciennes gloires du GOP.

A la lumière de ces quelques indications, il convient donc de revoir les prévisions en ne pariant pas forcément sur la défaite du républicain dans certains combats un peu plus rudes, même lorsque le district est très serré : c’est un cas d’école assez unique pour une élection qui sert souvent de « défouloir » pour les électeurs ou de « correcteur » du vote exprimé deux ans plus tôt.

Cette fois-ci il ne faut pas exclure que l’on risque d’être très surpris.
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