ANALYSES

« La région d’Idlib concentre les forces restantes de Daech »

Presse
23 mai 2018
Interview de Didier Billion - La Croix
Daech est-il durablement affaibli en Syrie aujourd’hui ?

Il est certain que Daech est considérablement affaiblie. Il reste cependant quelques poches de résistance. On peut citer Deraa, au sud, qui n’a pas été totalement repris par les forces gouvernementales et où subsistent des membres de Daech et d’autres groupuscules djihadistes. Il semblerait aussi que ce soit le cas à Deir Ezzor, à l’est.

Mais, c’est sans conteste, la région d’Idlib, au nord, qui concentre les forces restantes de Daech. C’est vers cette zone qu’ont été exfiltrées par l’armée de Damas les poches de djihadistes présentes, par exemple, lors de la reprise d’Alep. La région d’Idlib a été définie comme une zone de désescalade dévolue aux Turcs, lors des accords d’Astana organisés par les Russes avec la présence des Iraniens. Aujourd’hui, les Turcs ne sont pas prêts à laisser l’armée syrienne reprendre le contrôle d’Idlib.

Quand Daech sera-t-il vaincu en Syrie ?

Beaucoup dépend des Turcs, qui savent qu’ils ont une carte à jouer avec Idlib. Pour l’instant, ils jouent un groupe djihadiste contre un autre. Ils peuvent difficilement, vis-à-vis du monde, soutenir Daech. Ce qu’il reste de l’organisation ne fera pas long feu, le jour où toutes les parties en présence sur le terrain – les Russes, les Iraniens, les Turcs et les Occidentaux – seront d’accord politiquement pour gagner la paix.

Je n’imagine pas que Daech puisse se reconstituer sous la forme que l’on a connue ces dernières années. Le désert syrien ne peut pas être leur sanctuaire, car ce n’est pas le meilleur endroit pour se cacher étant donné la densité de forces militaires sur place, entre les Américains, les Russes, les Iraniens et les Syriens. Cependant, sur le territoire syrien, il ne faut pas négliger la présence de structures clandestines de Daech qui n’ont pas été démantelées et dont personne ne peut évaluer l’ampleur.

Daech peut-il renaître ailleurs qu’en Syrie ?

Des combattants de Daech vont franchir les frontières de la Syrie, s’ils ne l’ont déjà fait pour certains. Le désert du Sinaï en Égypte est une destination. Certes, il est surveillé par Israël, mais il est mal contrôlé par l’armée égyptienne. Le Sinaï est une sorte de trou noir de la région où peuvent se regrouper quelques centaines de combattants.

En revanche, je suis réservé sur une présence significative, c’est-à-dire plus de quelques dizaines de combattants, en Libye, car la distance de la Syrie paraît trop importante. Il ne faut pas oublier l’Afghanistan où des réseaux de Daech existent déjà. Ils peuvent accueillir les combattants venus de Syrie.
Propos recueillis par Pierre Cochez pour La Croix
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