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Corée du Nord : et s’il fallait dire merci Trump pour la rencontre Kim Jong-Un / Xi Jinping ?

Presse
29 mars 2018
Lors d’une visite surprise de deux jours à Xi Jinping ce 25 mars, ce qui fut son premier voyage depuis son arrivée au pouvoir en 2011, Kim Jong-un ​a pu indiquer son intention de dénucléariser, sous certaines conditions. Faut-il voir cette visite comme le résultat de la pression américaine exercée sur la Chine dans la résolution de la question nucléaire nord-coréenne ?

On ne sait pas aujourd’hui et on ne saura sans doute jamais qui est à l’initiative de cette visite, ni quelle en a été la teneur réelle. L’une des rares annonces qui en soit sorties est celle du lien entre une éventuelle dénucléarisation et des garanties de sécurité de la part des Etats-Unis et de la Corée du Sud.

Ce qui est intéressant de constater, c’est que l’on est passé depuis quelques mois d’un format très convenu de «négociations», qui prévalait depuis plus de deux décennies, à des échanges très directs et purement bilatéraux. La Chine de Pékin a abandonné le soutien très fort qu’elle a longtemps accordé, au mépris parfois du respect de sanctions décidées à l’ONU, à un pays qui depuis longtemps n’est plus son allié que sur le papier. Elle ne s’en désintéresse pas pour autant de la gestion de cette crise. Un effondrement brutal du régime de Pyongyang signifierait sans doute l’arrivée sur son territoire d’un grand nombre de réfugiés. Mais, surtout, la réunification sous l’égide de Séoul amènerait la création d’une grande Corée, alliée des Etats Unis, le long des 1416 km de frontière terrestre.

D’un autre côté, un abandon complet de la Corée du Nord serait un mauvais signal envoyé aux pays qui comptent sur l’amitié chinoise dans l’affrontement avec les Etats-Unis.

On peut donc penser que Pékin a «convoqué» Kim pour lui confirmer la volonté chinoise d’aboutir à un moratoire sur le balistique et le nucléaire en échange d’un arrêt des exercices conjoints des Etats-Unis et de leurs alliés dans la zone. Dans ces conditions, la Chine pourrait continuer de fournir l’aide matérielle indispensable à la survie du régime. Ceci pourrait être assorti de menaces d’un lâchage complet si Kim reprenait ses essais. Pour Xi Jinping, ce serait un beau succès diplomatique et permettrait de maintenir un état tampon entre son pays et la Corée du Sud. Mais, s’il en est arrivé à cette évolution dans ses rapports avec son «allié», c’est dans le cadre d’une forte évolution des rapports de la Chine avec les Etats-Unis, initiée par le nouveau locataire de la Maison Blanche. Dans ce contexte, cette visite apparaît donc comme une préparation au sommet intercoréen qui se déroulera en Avril et surtout à la rencontre Kim Trump, prévue en mai.

Quelles sont les conditions demandées par Kim Jung Un ? Celles-ci sont-elles réalistes dans la perspective d’un accord avec les Etats Unis ?

Actuellement, seul l’accord d’armistice signé en 1953 entre la Corée du Nord et l’ONU est en vigueur. Depuis des décennies, Pyongyang demande qu’il soit remplacé par un traité de paix, mais assortit ses demandes de revendications considérées comme inacceptables par les autres pays concernés. Dans le contexte actuel, les demandes du Nord sont plus limitées, mais reviennent toujours aux mêmes exigences, au nom de la garantie de la sécurité du Nord, qui -en fait- est largement la sécurité du régime des Kim. Les deux principales et les plus immédiates sont l’arrêt des exercices communs Etats-Unis/Corée du Sud et la cessation de la protection nucléaire du Sud par les Etats Unis. Les grands exercices annuels qui se tiennent habituellement en Février ont été reportés au 1er avril, pour faciliter la tenue des Jeux Olympiques d’hiver. Ils ont aussi été largement réduits, dans la durée comme dans l’ampleur. On saura lundi s’ils sont maintenus et quelles sont les réactions de la Corée du Nord, qui a déjà proféré des menaces relativement limitées. On peut supposer que, si l’exercice est maintenu, quelques missiles seront « expérimentés ». Par contre et sur le long terme, on imagine mal les Etats-Unis cesser de «protéger» le Sud, qui est un allié au plein sens du terme, ce qui implique le maintien d’une forte présence militaire (près de 30.000 GI) et du «parapluie» nucléaire.

Comment anticiper la suite, notamment dans la perspective d’une prochaine visite de Xi Jinping à Pyongyang ? Donald Trump pourrait-il être en passe d’obtenir un résultat là ou ses prédécesseurs ont échoué ?

Une visite de Xi Jinping à Pyongyang est toujours possible et il semble que, formellement, l’invitation ait été acceptée. Toutefois, ces visites (publiques du moins) de hautes responsables chinois sont très rares, la dernière d’un Président (Hu Jintao) ayant eu lieu en 2005.

Il est difficile de dire ce que sera la suite. Principalement parce que la diplomatie traditionnelle n’est plus à la manœuvre, et qu’elle a été remplacée par un jeu complexe où trois interlocuteurs jouent en permanence, lors de rencontres bilatérales d’où ne sortent que des rumeurs ou des déclarations convenues ou par le biais de déclarations à distance.
On peut simplement constater que deux grands résultats ont d’ores et déjà été obtenus.

Pékin a cessé de soutenir Pyongyang et les essais balistiques et nucléaires se sont limités à la validation des recherches qui avaient eu lieu en toute tranquillité pendant la période de « patience stratégique » du mandat Obama. Dans la mesure où la Corée du Nord garde l’essentiel de ses capacités de nuisance et de production d’armes de destruction massive, on est encore loin d’un résultat sur le long terme. Par ailleurs, le passé a démontré que les espoirs, comme on en a connu entre autres sous l’administration Clinton, peuvent ne pas se concrétiser dès que les positions de fermeté sont abandonnées. Mais on peut quand même avancer l’administration Trump a, à ce jour et sur ce dossier, obtenu bien davantage, de la Chine en particulier que toutes celles qui l’ont précédé depuis 1993.
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