ANALYSES

« En foot, l’argent ne fait pas la victoire »

Presse
11 mars 2018
Interview de Pascal Boniface - La Provence
« La défaite du PSG (2-1) face au Real Madrid, mardi, vient le rappeler : en matière de football, l’argent est nécessaire mais pas suffisant et on le voit bien en Champion’s League, où les équipes de niveaux relativement modestes qui ont gagné la Coupe dans le passé, je pense à Bucarest, à l’Étoile Rouge, aux équipes de petits championnats qui n’ont pas de droits télévisés importants, ne peuvent plus parvenir aux quarts ou aux demi-finales. On voit bien qu’il y a une sélection par l’argent parce que, si on regarde les clubs qualifiés pour les 8e de finales, ce sont aux quatre cinquièmes des clubs appartenant aux grands championnats et qui donc génèrent d’importants droits télévisés.

Une Europe à deux vitesses

En fait, ce qui a fait la différence en termes financiers, ce n’est pas tellement l’arrêt Bosman – qui met fin aux quotas de joueurs liés à la nationalité – mais l’augmentation des droits télévisés qui constitue la grande part des recettes des clubs et le fait qu’il y a quatre, cinq championnats, et notamment celui de l’Angleterre, qui se distinguent par rapport aux autres. Cette surexposition télévisée amène également des sponsorings importants. Il y a une sorte de cercle vicieux qui fait que l’argent va à l’argent. Si vous êtes régulièrement qualifié pour la Champion’s League, vous avez un budget conséquent ; si vous avez un budget conséquent vous pouvez acheter des joueurs brillants qui viennent en raison de leur énorme salaire mais aussi parce qu’ils ont l’espoir d’avoir un palmarès.

On voit bien, dès lors, qu’il y a une Europe à deux vitesses, avec le Bayern, la Juventus, Chelsea, les deux Manchester, etc., vis-à-vis d’Anderlecht, Ajax d’Amsterdam, Feyenoord… En même temps, l’argent ne suffit pas parce qu’il y a une sorte d’égalité dans cette oligarchie composée d’une quinzaine de clubs avec des budgets à peu près comparables. Au final, un seul peut gagner.

Les grands clubs se construisent sur une longue période

Et puis, aussi, il faut aussi du temps. Manchester City a très longtemps échoué dans la Champion’s League malgré des budgets colossaux. Aujourd’hui, il devient performant mais son projet remonte à une dizaine d’années. Concernant le PSG, il y a, bien sûr, la blessure de Neymar ou des questions sur les choix de l’entraîneur, mais on voit bien que l’argent est nécessaire mais pas suffisant pour gagner. Il lui faut aussi du temps car les grands clubs se construisent sur une longue période et non pas dans un sprint. Enfin, ce n’est pas l’identité du propriétaire qui fait qu’un club a une âme ou non. Pendant des années, le Real avait perdu son âme, il l’a retrouvée et pourtant son propriétaire n’a pas changé.

Ce supplément d’âme, on peut le trouver lors des matches de Coupe de France qui permet à des « petits » de rivaliser avec des « grands » et parfois de les battre comme lors du match Carquefou – OM. Et heureusement ! Le football est un sport qui réserve plus de surprises que le tennis ou la Formule 1. Dans le football, et la Coupe de France en est l’exemple typique, il y a toujours des surprises possibles. La preuve, on va avoir une équipe de Nationale en finale cette année. Le budget donne un avantage conséquent mais il ne fait pas nécessairement le résultat. Si on fait l’historique de la Coupe de France, il y a des milliers d’exemples de clubs avec des moyens modestes qui ont battu des clubs professionnels. C’est ça l’intérêt du football, c’est ça qui rend ce sport passionnant, car on ne sait jamais à l’avance qui va gagner la rencontre. »
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