ANALYSES

« Le président sud-coréen est tiraillé entre Washington et Pyongyang »

Presse
8 février 2018
 » On assiste depuis quelques mois à une dérive dans les relations entre Séoul et Washington. Depuis le début de l’année, les initiatives diplomatiques sud-coréennes ne semblent pas concertées avec les États-Unis. Deux rencontres entre Donald Trump et le président sud-coréen Moon Jae-in ont montré une incompatibilité entre les deux hommes et entre leurs approches différentes du dossier nord-coréen.

Le dialogue entre les deux Corées a une dimension humaine, mais aussi et surtout sécuritaire, pour éviter les escalades et les tensions, sans que Washington soit invité. La popularité de président Moon jae-in, élu confortablement, repose sur son côté « Monsieur Propre » et sa lutte contre la corruption. La majorité de la population sud-coréenne, très méfiante à l’égard du régime nord-coréen, ne le suit pas sur ses efforts de réconciliation, comme l’ont illustré des manifestations d’hostilité lors de l’arrivée des athlètes nord-coréens.

Dans le passé, chaque fois que la Corée du Sud a organisé des événements internationaux auxquels la Corée du Nord n’était pas conviée, Pyongyang a réagi par des essais de missiles pour se rappeler au bon souvenir de la communauté internationale. C’est pour prévenir ce type de réaction que Séoul s’est engagé dans un dialogue avec Pyongyang mais tout peut tomber comme un château de cartes de manière très rapide.

Dans le même temps, les États-Unis ont annoncé, par la voix du vice-président Mike Pence, les sanctions les plus dures jamais adoptées contre le régime nord-coréen. Une répartition des rôles n’est pas à exclure mais j’en doute fortement. Les États-Unis ont clairement soutenu le candidat du parti conservateur dans l’élection présidentielle sud-coréenne. Depuis la victoire de Moon Jae-in, les deux pays ont du mal à dialoguer et on peut se demander si Mike Pence ne cherche pas à saboter les efforts sud-coréens en tenant des propos très durs sur Pyongyang.

Le président sud-coréen Moon jae-in est pris en étau entre les États-Unis et la Corée du Nord. Un divorce avec les États-Unis serait extrêmement périlleux et n’aurait pas le soutien de la population. Une rupture trop forte avec la Corée du Nord lui enlèverait une forme de crédibilité internationale. En dépit de leurs divergences, les États-Unis et la Corée du Sud restent des alliés très proches et vont devoir trouver un accord sur la question des manœuvres militaires conjointes, reportées pour éviter de jeter de l’huile sur le feu pendant les Jeux olympiques. Ces manœuvres sont embarrassantes pour Séoul mais leur annulation signifierait un divorce inacceptable avec Washington.

Si les manœuvres conjointes ont lieu, comme c’est probable, on se dirigera vers une nouvelle série d’essais nord-coréens. La nouvelle posture nucléaire américaine ne fait que renforcer la détermination du régime de Pyongyang à renforcer sa capacité de dissuasion face aux États-Unis et, en interne, la légitimation de sa stratégie. « 

Propos recueillis par François d’Alançon pour La Croix
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