ANALYSES

« Le sport, une sorte de diplomatie soft »

Presse
8 février 2018
Interview de Pascal Boniface - Eurosport

La Corée Sud et la Corée du Nord vont défiler en commun lors de ces Jeux Olympiques 2018. Ce rapprochement est-il symbolique ou est-ce un vrai tournant dans leurs relations diplomatiques ?


Les tournants entre les deux pays ont été nombreux. Il y a eu de nombreuses réconciliations, suivies de nouvelles ruptures. Notamment en fonction de la couleur politique du président sud-coréen. Le président Moon est un partisan du dialogue avec la Corée du Nord. Il pense que l’on peut arriver à faire baisser les tensions en négociant. Or, entre 2007 et 2017, les deux derniers présidents étaient plus partisans d’une ligne dure. Ce qui se passe là est donc aussi lié à la nature du pouvoir sud-coréen, qui est plus ouvert au dialogue.


Pourquoi ce réchauffement diplomatique arrive justement au moment des Jeux ?


Les Jeux sont une bonne occasion. En diplomatie, il faut toujours trouver un prétexte pour ne pas donner le sentiment que l’on cède, que l’on fait marcher arrière de façon trop forte. Là, les Jeux Olympiques jouent le rôle de prétexte utile pour permettre à la fois aux Coréens du nord et du sud de trouver un moyen de se parler directement sans donner le sentiment qu’ils reculent ou qu’ils perdent la face.


Lors des dernières décennies, les Jeux Olympiques ont régulièrement été rattrapés par la politique, ou se sont retrouvés au centre d’enjeux diplomatiques. Comment cela s’explique-t-il ?


Le sport est une question de représentation internationale pour un pays. C’est quelque chose de très visible. Mais en même temps qui ne donne pas le sentiment d’engager directement la souveraineté d’un état. C’est une sorte de diplomatie soft dans laquelle l’Etat n’est pas directement engagé même si son image l’est. C’est un bon moyen de se rapprocher quand on cherche à le faire mais qu’on ne veut pas donner le sentiment qu’on abandonne ses revendications. On peut un peu faire la comparaison avec ce qu’avait été la diplomatie du ping-pong entre la Chine et les Etats-Unis en 1970. Les deux pays cherchaient des raisons stratégiques pour se rapprocher. Et l’envoi d’une équipe de ping-pong américaine en Chine a été le prétexte pour avoir un premier contact qui ne mettait en jeu ni la souveraineté américaine ni la souveraineté chinoise si cela n’avait pas fonctionné.


Y-a-t-il d’autres exemples de « réconciliations » diplomatiques liées aux Jeux ?


On peut citer le fait que les deux Corées ont déjà défilé ensemble lors des cérémonies d’ouverture des Jeux olympiques en 2000 à Sydney, en 2004 à Athènes et en 2006 à Turin. On peut aussi noter la réintégration de l’Afrique du Sud post-apartheid qui avait été exclue des Jeux et qui est revenue à Barcelone (ndlr : 1992) pour la première fois car elle a démantelé l’apartheid. Donc, il y a beaucoup d’exemples où les Jeux Olympiques ont pu servir d’outil diplomatique ou de manifestation diplomatique de façon positive.


Le sport a donc toujours une capacité à pacifier ?


Oui et non. Certes, la trêve olympique existe. Cependant, on a bien vu qu’elle pouvait s’effondrer quand il y a une guerre comme l’a rappelé le déclenchement du conflit entre la Géorgie et la Russie le jour même de l’ouverture des Jeux de Pékin. Il ne faut donc pas exagérer l’importance des Jeux Olympiques. Ils n’ont pas la force nécessaire pour empêcher toutes les guerres. Ils contribuent néanmoins à pacifier les relations internationales. A permettre aux gens d’échanger. De se connaître. D’avoir une vision positive de l’autre. On peut ainsi admirer un champion olympique même s’il n’a pas votre nationalité ou votre couleur de peau. C’est donc une ouverture bienvenue sur le monde qui peut par ailleurs servir pour apaiser les tensions.


Pourquoi ces rapprochements diplomatiques arrivent plus fréquemment avant ou pendant les Jeux qu’au moment d’une Coupe du monde de football par exemple ?


Il y a aussi des exemples importants en Coupe du monde de football. Comme le match Iran-Etats-Unis en 1998. Mais la grande différence, c’est que les Jeux Olympiques sont universels. Tous les pays peuvent y être présents. Alors que lors des Coupes du monde, il n’y a qu’une poignée de pays qualifiés. Tout le monde n’est donc pas représenté.

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