ANALYSES

La Chine est à la recherche de partenaires et prend l’Europe très au sérieux

Presse
10 janvier 2018
Vous avez récemment organisé un colloque sur le projet des Routes de la soie, estimant que c’était une opportunité pour l’Europe. Que pensez-vous des propos d’E. Macron sur le sujet ?

Depuis deux ou trois ans, il y a en France un débat sur la position que doit avoir la France vis-à-vis de la nouvelle manière dont la Chine pense son rapport au monde. Certains sont inquiets notamment face au risque d’hégémonie d’autres, dont je suis, pensent qu’il y a une opportunité à saisir, d’autant que le projet se fera avec ou sans notre accord. Certes, il faut rester prudent, exiger un partenariat et ne pas se contenter d’applaudir. J’ai donc été ravi d’entendre le mot de réciprocité dans la bouche d’E. Macron.

L’hégémonie est-elle une vraie tentation chinoise car ce n’est pas dans son histoire ?

On a effectivement souvent tendance à calquer le mode de pensée occidental. Il n’y a pas de revendications territoriales de la Chine à l’exception notable de Taïwan et d’îles en mer de Chine. Ce qui est cherché est davantage une capacité d’influence. On peut aussi partir du postulat que cette hégémonie est une réalité sur son territoire proche, qui peut être inquiétante pour ses voisins. Mais il serait erroné de l’appliquer au niveau international d’autant que la Chine n’en aurait absolument pas les moyens militaires. Son intention est d’intervenir dans une gestion multilatérale, bien loin de celle unipolaire qui a longtemps caractérisé les Etats-Unis. Dans ce sens, la Chine cherche des partenaires, elle vise un concert des Nations où elle pourrait retrouver toute sa place, d’égal à égal, avec les autres : Etats-Unis, Russie mais aussi Europe qui est prise très au sérieux. Et là, E. Macron est aux yeux des Chinois, celui qui incarne le mieux la diplomatie européenne.

Le climat a été abordé. N’est-ce cependant pas un peu contradictoire avec le projet de la route de la soie qui vise à développer le commerce, des infrastructures potentiellement nocives pour le climat et qui est même pointé par certains comme une externalisation de la pollution liée au développement économique chinois ?

C’est un point important et cela va même être un test à l’échelle internationale pour la Chine. Il y a en la matière des intentions louables de Pékin, surtout depuis le désengagement de D. Trump mais aussi des mesures spectaculaires pour réduire la pollution dans ce qui reste l’usine du monde. Mais les infrastructures programmées, les délocalisations qui se multiplient vers des pays à la main d’oeuvre encore moins chère posent la question de savoir si la Chine ne serait pas en train de soigner son image de pollueur mais augmente la détérioration du climat à l’échelle globale. Or, la Chine n’est pas seulement le premier pollueur, elle est aussi un acteur de premier plan qui doit montrer l’exemple et permettre aux autres pays de ne pas polluer.

Recueilli par Angélique Schaller
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