ANALYSES

Comment Madrid va reprendre le contrôle de la Catalogne

Presse
19 octobre 2017
La suspension de l’autonomie catalane va être engagée par le gouvernement espagnol. Comment en est-on arrivé là ?

Les deux camps sont parvenus au bout de leurs logiques. Après avoir brandi la menace d’une déclaration d’indépendance afin d’obtenir l’ouverture d’une négociation avec Madrid, Carlès Puigdemont se retrouve coincé. Son coup de poker n’a pas fonctionné : non seulement, les milieux économiques catalans qui le soutenaient en partie le lâchent. Mais en plus et surtout, Mariano Rajoy, le premier ministre espagnol n’a pas cédé un pouce de terrain. Au contraire même puisqu’il convoque un conseil des ministres exceptionnel samedi prochain pour avaliser le déclenchement de l’article 155 de la constitution espagnole qui permet à Madrid de prendre le contrôle de la Catalogne. Rappelons que cette procédure de suspension d’une autonomie régionale n’a jamais été activée (sauf dans le cas des Canaries, pour un point marginal concernant le droit de pêche, sous le gouvernement de Felipe Gonzales).

Comment vont se dérouler les choses ?

Sur le plan technique, le gouvernement de Mariano Rajoy doit adresser une lettre motivée au Sénat espagnol qui la transmet au président de la Généralité de Catalogne. Après examen par le Sénat, la mise sous tutelle de la Catalogne sera ensuite soumise au vote. Une formalité puisque le Parti Populaire de Mariano Rajoy y est très largement majoritaire. Cela peut aller assez vite, si Rajoy veut que cela aille vite !

Et sur le plan politique ?

Tout dépend du degré de reprise en main qui sera imposé aux catalans par le pouvoir central. L’article 155 permet tout : de la version hard à la version soft. Grosso modo, dans le premier cas le pouvoir central écarte totalement le gouvernement de la Généralité pour y substituer une sorte de proconsul. Dans l’option soft, il restreint la suspension de l’autonomie à quelques domaines, comme la sécurité ou la finance et sur une période de temps limitée. À mon sens, le gouvernement Rajoy devrait opter pour la deuxième option, dont le champ d’application sera le fruit d’un accord en cours de négociation avec le Parti Socialiste espagnol, premier mouvement d’opposition. Même cette solution devrait provoquer l’ire des indépendantistes. Et il ne faut pas exclure des actions violentes de la part de la Candidature d’Unité Populaire (CUP), mouvement de gauche radicale catalane qui soutient pour le moment Carlès Puigdemont.

Et ensuite ?

Il n’est pas impossible que la Candidature d’Unité Populaire (CUP) lâche Carlès Puigdemont qui serait alors mis en minorité au parlement catalan. On s’orienterait donc vers de nouvelles élections en Catalogne. A moins que le gouvernement ne décide de dissoudre lui-même le parlement Catalan dans le cadre de l’article 155. Mais tout cela reste très hypothétique.

Propos recueillis par Jean-Pierre De La Rocque, Challenges
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