ANALYSES

Catalogne : « Le manque de dialogue a attisé le feu de l’indépendantisme »

Presse
29 septembre 2017

Quelles sont les racines de l’indépendantisme catalan ?


Après la dictature franquiste, il y eut très vite la constitution de communautés autonomes régionales à statut spécial : ce fut le cas pour la Catalogne – avec le Pays basque et la Galice – au tournant des années 1978-1979 avec la constitution d’un gouvernement et d’un Parlement catalan dotés de compétences de type quasi fédéral avec ses moyens de communication, sa télévision, sa police autonome, ses compétences en matière d’investissements régionaux – y compris pour l’enseignement universitaire, la promotion de la culture avec le catalan aux côtés du castillan comme langues officielles. Durant les décennies suivantes, il y eut régulièrement des demandes d’élargissement de ces droits particuliers. En 2006, en Catalogne, cela s’est traduit par l’adoption d’un nouveau statut qui avait été négocié par le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero et la majorité catalane de l’époque, constituée par le Parti socialiste catalan, la Gauche unie catalane avec le Parti communiste et les Verts, et un parti indépendantiste, la Gauche républicaine de Catalogne (ERC). Ce statut de nation dans la nation donnait satisfaction à la majorité des partis politiques mais aussi à l’opinion publique et aux électeurs. Cela a relativement bien fonctionné jusqu’en 2010.


Pourquoi cette radicalisation soudaine ?


Ce statut a ensuite été contesté pour des motifs électoralistes par le Parti populaire (PP) espagnol de l’actuel chef du gouvernement, Mariano Rajoy. À quelques mois des élections générales de 2011, le PP a attisé les sentiments centralistes donc anti-catalans pour capter des voix dans l’Espagne de l’intérieur. La justice a suivi la demande du PP de suspendre le statut de 2006 et, dans la foulée, la droite a gagné les élections… Par ailleurs, Convergence et Union (renommé aujourd’hui Parti démocratique de Catalogne), l’autre grand parti nationaliste catalan, qui ne s’était pas associé à la rédaction du nouveau statut de 2006, avait tenté, en 2010, de passer un accord avec le Parti populaire en échange de compétences fiscales du même type que celles dont bénéficient les Basques, qui, au moment de la transition, avaient obtenu la possibilité de lever eux-mêmes les impôts et de négocier ce qu’ils reversent à l’État central. Mais une fois la droite au pouvoir, rien n’a été fait.


Cet exemple de gouvernance n’est-il pas dangereux pour le reste de l’Europe ?


Pendant près de cinq ans, le gouvernement Rajoy n’a pas fait d’offre sérieuse de dialogue aux nationalistes qui ont basculé dans l’indépendantisme. Ce qui est curieux en démocratie. On est arrivé à une exacerbation des uns et des autres qui a conduit à une première tentative de consultation dans l’illégalité en 2014. Il y a, dans beaucoup de pays européens, des tensions entre les régions les plus riches de ces pays qui refusent la solidarité avec les régions les plus pauvres. L’Italie du Nord avec l’Italie du Sud, la Flandre par rapport à la Wallonie, l’Écosse, qui voudrait préserver son pétrole par rapport au reste du Royaume-Uni. La Catalogne est dans ce même refus de solidarité, mais ici, le manque de dialogue a attisé le feu de l’indépendantisme. Les sondages montrent pourtant un espace de dialogue car la population catalane ne se sent pas représentée par ces deux extrêmes et souhaite revenir à ce qui avait été voté dans les urnes en 2006.

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