ANALYSES

L’exemple de Hong Kong

Presse
28 octobre 2014

Le mouvement de protestation des étudiants de Hong Kong est certainement le défi politique le plus grave auquel doivent faire face les autorités chinoises depuis les événements de la place Tian An Men en 1989. Vu le rôle central que joue la Chine sur la scène mondiale (bien plus important qu’il y a vingt-cinq ans), les répercussions de cet événement ont une importance stratégique majeure.


Si la Chine est plus puissante qu’il y a vingt-cinq ans, ses marges de manœuvre sont cependant plus limitées. C’est le paradoxe de la mondialisation. Elle a permis à la Chine de connaître une croissance économique époustouflante mais elle a parallèlement renforcé le poids des opinions et les capacités d’expression des citoyens et des sociétés civiles.


L’émergence de la Chine a accru à la fois son influence sur les affaires mondiales et son interdépendance.


La restitution de Hong Kong en 1997, vue à l’époque comme une victoire diplomatique et politique éclatante pour Pékin, a aujourd’hui des effets contre-productifs inattendus. Les citoyens de cette ville ont un statut particulier et disposent de droits supérieurs aux autres Chinois. Ils entendent bien non seulement s’en servir, mais également les développer. Ayant un statut spécial, ils échappent partiellement à la mainmise de Pékin. Mais leurs revendications vont a contrario atteindre l’ensemble des citoyens chinois et très certainement augmenter leur propre volonté de réclamer des droits pour eux-mêmes.


Si la Chine n’est pas une démocratie à l’occidentale, il est fini le temps où les citoyens chinois (qui méritaient assez peu en fait cette appellation) n’avaient comme source d’informations que le Quotidien du peuple et brandissaient, habillés de la même façon, tous ensemble, le Petit livre rouge de Mao.


Il y a aujourd’hui entre 500 et 600 millions d’internautes en Chine. Malgré la censure et les pressions, une société civile s’est développée, et n’accepte plus les restrictions d’antan. C’est encore un régime autoritaire, ce n’est plus un régime totalitaire. Le développement économique débouche sur une autonomisation des individus qui ne sont pas seulement des consommateurs, mais également des citoyens. Ils s’expriment, et les autorités ne peuvent totalement ignorer leur message.


La restitution de Hong Kong devait être un exemple pour permettre la réunification de la Chine continentale avec Taïwan, objectif historique capital pour Pékin. En 1949, les nationalistes, vaincus par Mao, s’étaient réfugiés sur la petite île, soutenus par les Américains. Ils avaient développé une économie de marché efficace, compensant pendant un temps par leurs prouesses économiques leur infériorité démographique. Depuis que la Chine a pris son élan, la relation n’est plus la même et a largement évolué en faveur de Pékin. L’objectif de Pékin est toujours la réunification. La restitution de Hong Kong, avec le slogan « Un pays, deux systèmes », devait servir de modèle. Mais Taïwan est un objectif encore plus important que celui de Hong Kong pour les dirigeants de Pékin. Dans leur gestion du dossier Hong Kong, ils doivent tenir compte de son impact sur Taïwan. Ce qui vient apporter une limitation supplémentaire au scénario de la répression.


La répression exercée à Tian An Men est difficilement envisageable aujourd’hui. D’une part parce que le défi n’est pas tout à fait de la même nature?; en 1989, le Parti communiste avait pensé que le régime était menacé dans son existence. En 2014, il est simplement défié dans son autorité pour accorder plus d’autonomie à la population. Mais surtout l’époque a changé. Une répression de ce type susciterait non seulement des remous importants en Chine, mais aurait un impact bien plus indésirable sur les relations de la Chine avec le reste du monde. La Chine ne peut pas à la fois être un acteur majeur de la mondialisation et se tenir à l’écart de ses effets. Et quels que soient les intérêts commerciaux, de nombreux pays – pas seulement les Occidentaux – devraient réduire le niveau de leur relation avec la Chine en cas de répression de masse. Le prix à payer pour celle-ci serait bien plus lourd qu’en 1989, et la Chine, plus intégrée dans le système mondial, y serait plus sensible.


Le régime chinois voudra sauver la face, ne pas donner le sentiment qu’il cède totalement aux manifestants mais devra néanmoins lâcher un peu de lest.

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