ANALYSES

Corée du Nord. « Un jeu de dissuasion »

Presse
7 septembre 2017
La crise nord-coréenne peut-elle dégénérer et menacer la sécurité mondiale ? Pascal Boniface, président de l’Institut des relations internationales et stratégiques, fait le point sur l’escalade des tensions et le jeu diplomatique en cours.

La Corée du Nord est-elle aussi dangereuse que certains l’affirment ?

Elle est surtout dangereuse pour sa population, plus encore que pour les pays voisins. Elle peut certes faire peur du fait de la nature dictatoriale, et même totalitaire, du régime et de sa capacité à user d’armes nucléaires. Kim Jong-Un, pas plus que son père, n’est irrationnel. Il est même, au contraire, très rationnel. S’il veut se maintenir au pouvoir, il sait très bien qu’une action militaire intempestive précipiterait sa chute et une guerre qu’il ne pourrait que perdre.

Que change la possession de la bombe H par les Nord-Coréens ?

C’est une preuve supplémentaire de leur capacité à éventuellement frapper avec des armes extrêmement destructrices. On est dans un jeu de dissuasion et pas dans un jeu d’attaque. Cela ne change que la nature de la menace nord-coréenne. Bien qu’elle soit un pays pauvre, la Corée du Nord a des capacités militaires qui ne sont pas celles d’un pays pauvre.

Donald Trump n’est-il pas aussi dangereux que Kim Jong-Un ?

Il l’est presque plus. C’est un peu comme si, face à un preneur d’otages, il les insultait au lieu de négocier. Jusqu’ici les présidents des États-Unis, y compris George W. Bush, n’avaient pas réagi avec autant d’emportement et avec autant d’agressivité verbale qui, en fait, ne fait que cacher une impuissance. Les Américains savent très bien qu’il n’y a pas de solution militaire. C’est donc d’autant plus stupide que d’agiter la menace.

Peut-on obtenir de la Chine qu’elle calme son allié nord-coréen ?

C’est son intérêt parce que tout ceci gêne la Chine en quête de respectabilité. La Corée du Nord donne une mauvaise image. Et cela d’autant plus que sa stratégie autorise le réarmement japonais et le renforcement de la présence militaire américaine en mer de Chine. Autant de mauvaises nouvelles pour Pékin.

Le problème est que la Chine a peu de moyens de pression sur la Corée du nord…

Le risque pour Pékin serait d’être placé dans l’obligation d’accueillir dix millions de Nord-Coréens sur son territoire. La marge de manoeuvre de la Chine à l’égard de la Corée du Nord est nettement plus faible que ce que disent les responsables américains. Il faut non seulement une implication chinoise mais aussi que les États-Unis évitent de tomber dans le piège de la provocation en venant mettre de l’huile sur le feu.

Quel rôle la France peut-elle jouer dans ce conflit ?


En tant que membre permanent du conseil de sécurité de l’Onu, la France a un rôle à jouer. Le problème est que la France n’a pas de relation diplomatique avec la Corée du Nord, et que les pays européens sont éloignés de la zone. On peut jouer un rôle en appui d’une initiative chinoise, mais c’est une affaire où les Européens ne sont pas directement impliqués.
Sur la même thématique