ANALYSES

Venezuela: « La crise est autant la responsabilité de Maduro que de l’opposition »

Presse
31 juillet 2017
Interview de Christophe Ventura - L'Express
Quel a été l’élément déclencheur de la crise au Venezuela ?

Le point de départ de la crise a été l’élection présidentielle de 2013. Nicolas Maduro l’a remporté de justesse face à Henrique Capriles, mais l’opposition a toujours refusé de reconnaître sa victoire. Depuis, il y a un bras de fer continu entre le chef de l’Etat et l’opposition, qui a la majorité au Parlement. Pour contrer Maduro, l’Assemblée nationale a par exemple tenté de bloquer l’avancée des lois sur les hydrocarbures, qui sont vitales pour faire tourner l’économie. En parallèle, le 30 mars dernier, la Cour suprême de justice s’est octroyé les pouvoirs du Parlement, avant de revenir sur sa décision. Le pays entre alors dans une deuxième vague de crise politique, puisqu’il y a une défiance générale.

Nicolas Maduro est pointé du doigt par la communauté internationale. Est-il le seul responsable de cette crise ?

Il n’y a pas le camp du « gentil », ni celui du « méchant ». Le Venezuela est un pays où les règles démocratiques sont largement malmenées ou piétinées par tous les camps. D’un point de vue politique, le gouvernement s’est raidi, en utilisant parfois des techniques répressives violentes. Mais de l’autre côté, l’opposition est dominée depuis vingt ans par la droite dure. Elle a toujours été dans une stratégie agressive, voire violente et radicale.

Pourquoi le conflit s’est-il intensifié cette fois ?

Au sein-même de son propre pays, le Venezuela est fracturé en deux parties. Il y a une vraie lutte des classes et le dialogue a toujours été impossible: par exemple, certains ne voulaient pas nationaliser le pétrole, alors que le projet était accepté par une autre partie de la population. C’est aussi la première fois que l’opposition vénézuélienne arrive à maintenir un rapport de force aussi longtemps. En 2002, lors de sa tentative de coup d’Etat, elle était déjà forte face aux pro-Chavez, mais aujourd’hui elle a su solidifier et radicaliser sa base de manière plus pérenne.

Une nouvelle Assemblée constituante a été élue dimanche 30 juillet. Les résultats annoncent-ils une sortie de crise ?

Au contraire, je crains que la crise ne progresse. Cette élection a renforcé les deux camps: d’un côté, l’opposition a boycotté ce scrutin, ils ne reconnaissent pas les résultats et appellent à se mobiliser davantage ces prochains jours. Ils se sentent d’autant plus légitimes que des pays libéraux de droite, comme la Colombie, ne reconnaissent pas non plus ces résultats. De l’autre côté, si on se base sur les chiffres annoncés par le gouvernement, il y a eu près de 8 millions de votants sur 19,8 millions d’électeurs. Nicolas Maduro a donc réussi à mobiliser plus de citoyens qu’au référendum organisé contre lui à la mi-juillet. Contrairement aux propos de l’opposition, le chavisme n’est pas mort, et je pense que Nicolas Maduro va utiliser cette forte adhésion pour affirmer davantage sa légitimité.

Parallèlement, le pays s’enfonce dans la crise économique…

C’est l’autre élément clé de cette crise, qui est aussi économique. Au même moment, le prix du pétrole s’effondre de près de 70%, un niveau jamais atteint en douze ans. C’est catastrophique pour le Venezuela, qui est dépendant de l’or noir. 95% de son économie provient de l’exportation du pétrole. Le pouvoir d’achat baisse donc considérablement, et avec la corruption, beaucoup de Vénézuéliens reprochent au chef de l’Etat de mal gérer le pays, ce qui accroît la tension.
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