ANALYSES

Cette guerre des nerfs entre Washington et Téhéran sur la question du nucléaire

Presse
22 août 2017
Interview de Thierry Coville - Atlantico
Le Président de la République Islamique d’Iran, Hassan Rouhani, a menacé Donald Trump mardi dernier de reprendre son programme nucléaire si les Etats-Unis venaient à sanctionner l’Iran une nouvelle fois. Le président iranien a affirmé que son homologue américain Donald Trump n’était « pas un bon partenaire ». De son côté Ali Khameney, Guide suprême de la révolution islamique a déclaré « Ceux qui sont au pouvoir aux Etats Unis (…) souffrent encore de l’illusion de diriger le monde. Ils parlent comme s’ils étaient les dictateurs du monde ! » (…) « mais si vous êtes un état puissant, alors allez diriger votre propre pays », en référence aux événements de Charlottesville. Assiste-t-on à une nouvelle étape dans l’opposition entre Iran et Etats Unis ?

Je crois que l’Iran tient toujours à l’accord sur le nucléaire. Mais on voit que c’est une réponse des dirigeants iraniens aux nouvelles sanctions. Ces derniers respectent l’accord, et tout le monde – dont l’agence internationale de l’énergie atomique – le confirme. Tous signataires et partenaires reconnaissent l’action de l’Iran. Mais l’idée est – et on voit bien la stratégie des Etats-Unis – de pousser l’Iran à la faute, et de sortir à l’accord. En fait, l’Iran rappelle que si il n’y a pas d’accord, il y aura des radicaux voudront aller vers un Iran nucléaire. C’est une réponse aux nouvelles sanctions des Etats-Unis, mais c’est également une réponse coordonnées car on voit très bien, avec le nouveau gouvernement de Rohani, il y a une stratégie de la part de ce dernier de renforcer ses relations avec les religieux et notamment le guide suprême Ali Khamenei. Donc l’idée de l’Iran est de montrer que ses dirigeants tiennent à l’accord, mais de dire aux Etats-Unis qu’il y a des limites aux sanctions qu’ils peuvent supporter. Il faut quand même rappeler que l’esprit de juillet 2015 était que l’Iran réduise son programme nucléaire, en échange d’une levée des sanctions.

Quels sont les véritables moteurs de ce retour à une menace nucléaire ? S’agit il d’une simple provocation, ou faut il y voir une véritable intention, pouvant être guidée aussi bien par l’hostilité de l’administration Trump à l’égard de Téhéran, que par l’aboutissement du programme nord coréen ?

Non, c’est juste une réponse aux nouvelles sanctions. L’Iran tient à rester dans le cadre de l’accord sur le nucléaire, mais rappelle que, sans, rien n’empêchera le pays à reprendre son programme nucléaire. Ils sont toujours signataires du traité de non-prolifération. Mais il faut se rappeler que lors de la signature de cette accord, il y avait des radicaux qui étaient contre et qui pensaient que c’était faire trop de concession aux occidentaux. Il n’y a pas de changement de stratégie de l’Iran, mais c’est une réponse adaptée aux nouvelles sanctions américaines.

Quelles sont les réactions à attendre de la part de Washington ? Jusqu’où peut aller cette séquence ? Avec quelles conséquences pour les équilibres régionaux ?

C’est la grande question. On ne voit pas trop la stratégie des Etats-Unis. A part de dire que l’Iran est méchant, et qu’il est à l’origine de tous les problèmes. La décision de Trump de s’allier derrière l’Arabie Saoudite ne fait qu’augmenter les tensions dans la région. Il n’y qu’à voir les problèmes entre l’Arabie Saoudite et le Qatar. L’Iran est quand même présent sur toutes les théâtres d’opérations de la région : en Irak, en Syrie, en Afghanistan. Quel va être le résultat de cette stratégie de diabolisation extrême? Car dès qu’on attaque l’Iran, il y a un réflexe nationaliste où tous les courants s’allient face à une menace extérieure.

 
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