ANALYSES

Donald Trump à Riyad : « Un discours qui manquait de complexité, à l’image du personnage

Presse
21 mai 2017
Peut-on parler d’un changement de ton entre le Donald Trump candidat à la présidentielle et le Donald Trump président américain ?

Oui et non. C’était un discours qui était très attendu et qui voulait rompre avec le discours du Caire d’Obama en 2009. Obama a été qualifié pendant ses deux mandats par les Républicains de président qui s’excuse, qui s’incline face à l’islam, l’islamisme et le terrorisme. Ce que dit Trump, c’est qu’il faut que tous les États du Moyen-Orient se prennent en main pour lutter contre le terrorisme. Les États-Unis pourront être leur allié, mais il n’est pas question qu’ils comptent sur les États-Unis pour tout faire. Mais ce qui est intéressant, c’est que les États-Unis ne chercheront pas à imposer leur mode de vie aux États du Moyen-Orient, ce qui signifie entre les lignes que Washington donne un chèque en blanc à tous les régimes de la région, y compris les régimes autoritaires, pour lutter contre Daech, même si ça passe par des mesures de répression contre le peuple. Il dit ça notamment à l’Arabie Saoudite, qu’il décrit comme un pays formidable.
Pour moi c’est un discours assez ethnocentré, assez essentialiste, et qui peut faire peur d’une certaine manière : du moment que la lutte contre Daech est engagée, du moment qu’on lui signe un certain nombre de contrats commerciaux, il est prêt à fermer les yeux sur un certain nombre de choses. Il est prêt à dire aussi, pour faire plaisir à l’Arabie Saoudite et à certains de ses alliés, que l’Iran est le responsable du terrorisme, que l’Iran est le grand méchant de la région.

Donald Trump a dit que l’Iran finance, arme, entraîne des terroristes. Il appelle les pays du monde à isoler l’Iran au plan international. Ces propos sont-ils dangereux ?

C’est assez réducteur, et très généralisant, comme si le terrorisme islamiste venait d’une seule source et était aussi simple à analyser. Il balaie d’un revers de main les causes, les ressorts, les conditions d’entrée dans le terrorisme, la complexité diplomatique et idéologique de Daech et d’autres groupes terroristes. Comme si l’Arabie Saoudite n’avait elle-même pas à se remettre en question, ainsi que d’autres pays de la région. C’est comme s’il y avait un nouvel axe du mal, du « Georges Bush réchauffé » même si ce n’est pas du tout néoconservateur comme propos. Les choses sont évidemment beaucoup plus complexes. Cette division assez simpliste vient des conseillers qui ont écrit le discours et qui avaient peur que Trump ne dévie trop du discours. Il n’a dévié qu’à un seul moment, il a reconfondu islamisme et islamique.
Par rapport à l’Iran, c’est un signe de défiance de plus. Il y a deux raisons à cela. La première, c’est qu’il veut rompre avec la diplomatie d’Obama et il a besoin de marqueurs forts. La deuxième raison, c’est qu’il a tout intérêt à avoir des bonnes relations commerciales et économiques avec l’Arabie Saoudite. D’ailleurs, dans son discours, il dit à plusieurs moments que la solution à la paix, c’est d’une part la sécurité, mais aussi la prospérité, et ça passe par la signature de contrats. Donc c’est assez simple dans la tête de Donald Trump.

Donald Trump doit se rendre en Israël, dans les Territoires palestiniens, au Vatican. Ce sont des zones très sensibles, où la moindre erreur peut se transformer en brouille diplomatique. Donald Trump prend-il des risques ?

Oui, l’establishment de Washington tremblera jusqu’à ce qu’il rentre aux États-Unis. Le moindre dérapage peut être craint, s’il décide de sortir du cadre des discours et des éléments de langage prévus. Mais en même temps, Israël est très content d’avoir Trump comme interlocuteur parce que les relations avec Obama étaient exécrables. Les Israéliens voient Trump comme un allié, beaucoup plus manipulable peut-être. D’autres points dans ce discours font le lien avec ce que l’on dit : l’injonction de Trump à la tolérance religieuse, j’ai trouvé que ça ne manquait pas de sel, par rapport à tout ce qu’il a pu dire pendant sa campagne, comme quoi l’islam détestait l’Amérique, que l’islam n’était qu’un problème. Il a aussi exhorté les pays du Moyen-Orient à gérer eux-mêmes le problème des réfugiés, en disant l’Amérique d’abord, ça ne nous regarde pas. Tout ceci est assez logique.
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